







Photos : Aurélie Leplatre / © La Salle de bains
Photos : Aurélie Leplatre / © La Salle de bains
Revisited
Du 15 mars au 16 mai 2008From 15 March to 16 May 2008
Revisited n’est pas une exposition de Dan Walsh. Ni de Tilman + Amy O’Neil + Matthew McCaslin + Mathilde Alessandra + Lars Wolter + Stephen Felton. Réunissant six de ses amis artistes, Dan Walsh a cherché à produire une véritable exposition collective. Mais quel sens donner à ce terme ? Le protocole de travail des sept artistes a rejoué celui de l’exposition Seven grays [1] en 2002 chez Paula Cooper, celui d’une semi-improvisation. Pendant la préparation de l’exposition, Dan Walsh a délivré progressivement les informations au groupe, empruntant au monde du théâtre un paysage thématique, En attendant Godot de Beckett qui donne son sous-titre au show. Dans Revisited, les allusions à la pièce sont multiples, des simili-potences, des images et tous les signes déceptifs d’un échec certain. Mais si dans cette pièce, il n’y a qu’une unique didascalie qui concerne le décor (« route de campagne avec un arbre »), l’idée n’est évidemment pas de donner une traduction plastique du texte. Dan Walsh a surtout emprunté au théâtre une méthode, celle de la direction d’acteurs : proposant un contexte, et incitant les artistes à la « projection », l’artiste new-yorkais a mis en place les conditions matérielles d’un travail de groupe. Les sept artistes ont alors opéré collectivement, en une semaine, et avec les matériaux à disposition, une dialectique active de propositions/réinterprétations qui a presque duré jusqu’au moment de l’ouverture [2].
Les dernières décennies ont été, en littérature comme en art, le lieu de la répétition intensive d’une même histoire, racontée d’abord par Barthes et Foucault, comme un écho des événements de 1968, celle de « la mort de l’auteur » [3]. Répété ad nauseam, et transformé en credo, ce récit a finalement vu s’épuiser la puissance de subversion politique qui lui était au départ associée. La contestation de l’autorité s’est transformée en pur style. Quel sens pourrait-il donc y avoir à revisiter aujourd’hui Beckett, l’un des acteurs de cette histoire mythique ? Prenant acte de ce cheminement et de cette digestion lente mais certaine, Dan Walsh propose aujourd’hui avec Revisited, une tragi-comédie en sept actes une alternative joyeuse au deuil maniaque de l’auteur, où la voix blanche laisse place à la possibilité réelle d’un travail collectif. Le résultat est mixte, bricolé et anonyme, un mélange de formes fixes et historiques, d’inventions spontanées, de matériaux trouvés. « Nous voulions utiliser surtout des matériaux de construction, renvoyant clairement à une activité, plutôt que des objets cultivés » explique simplement Dan Walsh. Il y a beaucoup d’objets et beaucoup de peintures dans l’espace de la Salle de Bains, donc, mais il n’y a aucune pièce, aucun reliquat d’action individuelle, aucun échantillon identifiable de l’œuvre d’un artiste : Revisited est un « no-ego show » [4].
Si le concept du show s’oppose à tout égotisme, son protocole strict s’écarte aussi par avance de la nostalgie associée historiquement aux utopies du travail collectif. Pas d’idéalisme : les indices d’une activité humaine frénétique sont partout présents et partout tournés en dérision. Les drapeaux sont en berne. Et les pupitres, cibles et socles viennent théâtraliser caricaturalement l’idée-même d’une possible activité, en même temps qu’ils tournent en blague l’histoire de l’art, de Jasper Johns au minimalisme en passant par Bruegel. Plus qu’un déroulement dramatique, le show emprunte donc à Beckett sa qualité de vide et sa neutralité auctoriale, ou mieux son absurdité : « une terre vaine sombre, répétitive, elliptique » [5]. Il importe donc peu de savoir qui a proposé quoi dans Revisited. Le show parle d’une voix collective. Et pourtant, le plus étonnant est qu’en dépit de ce protocole de travail, de ces contraintes non-égotiques, et de ce désir de polyphonie, il reste dans ces espaces quelque chose de la « passive pâleur » [6], si personnelle malgré tout des abstractions de Dan Walsh.
Les dernières décennies ont été, en littérature comme en art, le lieu de la répétition intensive d’une même histoire, racontée d’abord par Barthes et Foucault, comme un écho des événements de 1968, celle de « la mort de l’auteur » [3]. Répété ad nauseam, et transformé en credo, ce récit a finalement vu s’épuiser la puissance de subversion politique qui lui était au départ associée. La contestation de l’autorité s’est transformée en pur style. Quel sens pourrait-il donc y avoir à revisiter aujourd’hui Beckett, l’un des acteurs de cette histoire mythique ? Prenant acte de ce cheminement et de cette digestion lente mais certaine, Dan Walsh propose aujourd’hui avec Revisited, une tragi-comédie en sept actes une alternative joyeuse au deuil maniaque de l’auteur, où la voix blanche laisse place à la possibilité réelle d’un travail collectif. Le résultat est mixte, bricolé et anonyme, un mélange de formes fixes et historiques, d’inventions spontanées, de matériaux trouvés. « Nous voulions utiliser surtout des matériaux de construction, renvoyant clairement à une activité, plutôt que des objets cultivés » explique simplement Dan Walsh. Il y a beaucoup d’objets et beaucoup de peintures dans l’espace de la Salle de Bains, donc, mais il n’y a aucune pièce, aucun reliquat d’action individuelle, aucun échantillon identifiable de l’œuvre d’un artiste : Revisited est un « no-ego show » [4].
Si le concept du show s’oppose à tout égotisme, son protocole strict s’écarte aussi par avance de la nostalgie associée historiquement aux utopies du travail collectif. Pas d’idéalisme : les indices d’une activité humaine frénétique sont partout présents et partout tournés en dérision. Les drapeaux sont en berne. Et les pupitres, cibles et socles viennent théâtraliser caricaturalement l’idée-même d’une possible activité, en même temps qu’ils tournent en blague l’histoire de l’art, de Jasper Johns au minimalisme en passant par Bruegel. Plus qu’un déroulement dramatique, le show emprunte donc à Beckett sa qualité de vide et sa neutralité auctoriale, ou mieux son absurdité : « une terre vaine sombre, répétitive, elliptique » [5]. Il importe donc peu de savoir qui a proposé quoi dans Revisited. Le show parle d’une voix collective. Et pourtant, le plus étonnant est qu’en dépit de ce protocole de travail, de ces contraintes non-égotiques, et de ce désir de polyphonie, il reste dans ces espaces quelque chose de la « passive pâleur » [6], si personnelle malgré tout des abstractions de Dan Walsh.
Revisited is not a Dan Walsh show. Neither is it a Tilman + Amy O’Neil + Matthew McCaslin + Mathilde Alessandra + Lars Wolter + Stephen Felton show. In bringing together six of his artist friends, Dan Walsh meant to present a truly collective exhibition. But what does the term “collective” mean in this case? The protocol for the Lyon exhibition was a replay of Walsh’s Seven Grays [1] exhibition in 2002 at Paula Cooper, which was based on the idea of semi-improvisation. During the preparation period for the Lyon show, Walsh progressively delivered information to the group, borrowing from the world of theater a thematic landscape: Beckett’s Waiting for Godot, which provides the subtitle for this show. There are multiple allusions to the play in Revisited, from the mock gallows to various images and all the deceptive signs of definite failure. But even though there is only one stage direction in the play concerning its setting (“A country road. A tree.”), the idea was obviously not to produce a visual translation of the text. What Walsh is borrowing above all from the realm of theater is a method of directing actors: by proposing a context and inviting artists to “project,” he brought together the material conditions for collaborative work. The seven artists then worked collectively for a week with the materials at their disposal, setting up an active dialectical back-and-forth of propositions and reinterpretations that lasted right up to the day of the opening. [2]
The last few decades have witnessed, in literature as in the visual arts, the intensive retelling of a single story first told by Barthes and Foucault, like an echo of the events of May 1968, that of the “death of the author.” [3] Repeated ad nauseam and transformed into a dogma, the narrative eventually exhausted the potential for political subversion it contained in the beginning. The contestation of authority turned into pure style. What meaning could there be today in revisiting Beckett, one of the actors of this mythical story? Taking this slow but deliberate evolution into account, Walsh offers, with Revisited: A Tragicomedy in Seven Acts, a joyous alternative to the manic-depressive mourning of the author, where toneless authorial voices give way to the real possibility of collective work. The result is hybrid, aggregative and anonymous, a mixture of fixed and historical forms, spontaneous inventions and found materials. “We wanted to use mostly construction materials, clearly referring to an activity, rather than cultivated objects,” Walsh explained simply. To be sure, there are many objects and many paintings in the space of La Salle de Bains, but there isn’t a single “piece,” a single residue of individual action, or an identifiable sample from an artist’s work. Revisited is a “no-ego show.” [4]
If, on the one hand, the concept of the show runs counter to any notion of “egotism,” its strict protocol also resolutely shies away from the kind of nostalgia historically associated with utopias of collective work. There is no idealism here: clues referring to a frenetic human activity are everywhere and everywhere lightly mocked. Flags are at half-mast. And the various school desks, targets and pedestals act as caricatures dramatizing the very idea of a possible activity, at the same time as they poke fun at art history, from Jasper Johns to minimalism, via Brueghel. What the show actually borrows from Beckett, therefore, is less the unfolding of dramatic action than its notion of a void, its authorial neutrality – or perhaps, its absurdity: “a vain, dark, repetitive, elliptical earth.” [5] Knowing who did what in Revisited matters little. The show speaks with a collective voice. And yet, in spite of the exhibition’s protocol, for all those non-egotistic constraints and that desire for polyphony, there surprisingly subsists in this space something of the decidedly personal “passive pallor” [6] that characterizes Dan Walsh’s abstract work.
The last few decades have witnessed, in literature as in the visual arts, the intensive retelling of a single story first told by Barthes and Foucault, like an echo of the events of May 1968, that of the “death of the author.” [3] Repeated ad nauseam and transformed into a dogma, the narrative eventually exhausted the potential for political subversion it contained in the beginning. The contestation of authority turned into pure style. What meaning could there be today in revisiting Beckett, one of the actors of this mythical story? Taking this slow but deliberate evolution into account, Walsh offers, with Revisited: A Tragicomedy in Seven Acts, a joyous alternative to the manic-depressive mourning of the author, where toneless authorial voices give way to the real possibility of collective work. The result is hybrid, aggregative and anonymous, a mixture of fixed and historical forms, spontaneous inventions and found materials. “We wanted to use mostly construction materials, clearly referring to an activity, rather than cultivated objects,” Walsh explained simply. To be sure, there are many objects and many paintings in the space of La Salle de Bains, but there isn’t a single “piece,” a single residue of individual action, or an identifiable sample from an artist’s work. Revisited is a “no-ego show.” [4]
If, on the one hand, the concept of the show runs counter to any notion of “egotism,” its strict protocol also resolutely shies away from the kind of nostalgia historically associated with utopias of collective work. There is no idealism here: clues referring to a frenetic human activity are everywhere and everywhere lightly mocked. Flags are at half-mast. And the various school desks, targets and pedestals act as caricatures dramatizing the very idea of a possible activity, at the same time as they poke fun at art history, from Jasper Johns to minimalism, via Brueghel. What the show actually borrows from Beckett, therefore, is less the unfolding of dramatic action than its notion of a void, its authorial neutrality – or perhaps, its absurdity: “a vain, dark, repetitive, elliptical earth.” [5] Knowing who did what in Revisited matters little. The show speaks with a collective voice. And yet, in spite of the exhibition’s protocol, for all those non-egotistic constraints and that desire for polyphony, there surprisingly subsists in this space something of the decidedly personal “passive pallor” [6] that characterizes Dan Walsh’s abstract work.
[1] Cette exposition collective organisée par Dan Walsh chez Paula Cooper en 2002, réalisée autour de la théorie des couleurs, incluait notamment des œuvres de Matthew McCaslin, Olivier Mosset, et Michaël Scott. Dan Walsh y invitait des artistes à réinterpréter ses idées au sujet des œuvres.
[2] Une anecdote : quelques heures avant l’ouverture, Dan Walsh a réinterprété seul les propositions collectives, après avoir demandé aux 6 artistes de quitter l’espace d’exposition.
[3] « La mort de l’auteur » est un article-manifeste de Roland Barthes publié en 1968 et intégré au recueil Le bruissement de la langue.
[4] Dan Walsh, mail, 31/03/08
[5] Dan Walsh, mail, 31/03/08
[6] Dan Walsh paintings, Ezra Shales, n.p.
Jill Gasparina
[2] Une anecdote : quelques heures avant l’ouverture, Dan Walsh a réinterprété seul les propositions collectives, après avoir demandé aux 6 artistes de quitter l’espace d’exposition.
[3] « La mort de l’auteur » est un article-manifeste de Roland Barthes publié en 1968 et intégré au recueil Le bruissement de la langue.
[4] Dan Walsh, mail, 31/03/08
[5] Dan Walsh, mail, 31/03/08
[6] Dan Walsh paintings, Ezra Shales, n.p.
Jill Gasparina
[1] That collective exhibition, organized by Dan Walsh at Paula Cooper Gallery in 2002, revolved around color theory and included works by Matthew McCaslin, Olivier Mosset and Michael Scott, to name a few. Walsh invited artists to reinterpret his ideas about the works.
[2] Let us mention as an anecdote that, a few hours before the opening of the show, Walsh asked the six artists to leave the exhibition space and reinterpreted the collective propositions on his own.
[3] “The Death of the Author” (published in 1968) is an essay/manifesto by Roland Barthes. It is included in the collection of essays titled The Rustle of Language.
[4] Dan Walsh, e-mail, March 31, 2008
[5] Dan Walsh, e-mail, March 31, 2008.
[6] Dan Walsh paintings, Ezra Shales, n.p.
Jill Gasparina
Translated by Anthony Allen

Revisited, 2008
carton d'invitation
Stephen Felton, né en 1975 (USA).
Vit et travaille à Brooklyn.
Vit et travaille à Brooklyn.
Stephen Felton, né en 1975 (USA).
Vit et travaille à Brooklyn.
Vit et travaille à Brooklyn.
Alessandra Matilde, née en Italie.
Vit et travaille à New York.
Vit et travaille à New York.
Alessandra Matilde, née en Italie.
Vit et travaille à New York.
Vit et travaille à New York.
Matthew McCaslin, né en 1957 (USA).
Vit et travaille à Brooklyn.
Vit et travaille à Brooklyn.
Matthew McCaslin, né en 1957 (USA).
Vit et travaille à Brooklyn.
Vit et travaille à Brooklyn.
Amy O’Neill, née en 1971 (USA).
Vit et travaille à New York.
Vit et travaille à New York.
Amy O’Neill, née en 1971 (USA).
Vit et travaille à New York.
Vit et travaille à New York.
Tilman, né en 1959 (Allemagne).
Vit et travaille à Bruxelles et New York.
Vit et travaille à Bruxelles et New York.
Tilman, né en 1959 (Allemagne).
Vit et travaille à Bruxelles et New York.
Vit et travaille à Bruxelles et New York.
Dan Walsh, né en 1960 (USA).
Vit et travaille à New York.
Représenté par Paula Cooper.
Vit et travaille à New York.
Représenté par Paula Cooper.
Dan Walsh, né en 1960 (USA).
Vit et travaille à New York.
Représenté par Paula Cooper.
Vit et travaille à New York.
Représenté par Paula Cooper.
Lars Wolter, né en 1969 (Allemagne).
Vit et travaille à Mönchengladbach.
Vit et travaille à Mönchengladbach.
Lars Wolter, né en 1969 (Allemagne).
Vit et travaille à Mönchengladbach.
Vit et travaille à Mönchengladbach.
Commissariat : Dan Walsh
Commissariat : Dan Walsh
La Salle de bains reçoit le soutien du Ministère de la Culture DRAC Auvergne-Rhône-Alpes,
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.