





Photos : © La Salle de bains
Photos : © La Salle de bains
Erehwon P.O.V.
Du 10 janvier au 8 mars 2009From 10 January to 8 March 2009
Il a mûri lentement, sûrement, le plan de cette exposition. Yann Géraud s’est intégralement emparé de l’espace de La Salle de bains avec ses grandes compositions désaxées : condensation d’une mythologie très personnelle en cinq sculptures (Odyssée, Tas, Welcome, Erehwon, et New Original Erewhon House), Erehwon p.o.v. n’est pas une somme de propositions décoratives qu’on aurait simplement disposées dans l’espace. C’est un acte d’occupation énergique, une annexion.
"Il faudrait avoir le courage de construire nos maisons comme des labyrinthes." (Nietzsche)
En dépit des formes physiques, tridimensionnelles, de ses sculptures, le travail de Yann Géraud se situe peut-être d’abord du côté de la poésie et dans le champ plus large de la création littéraire. Le titre est en lui-même une proposition poétique.
Erehwon p.o.v soit :
1.—une référence : Erewhon ou De l’autre côté des montagnes est un roman de Samuel Butler, une dystopie satirique de l’Angleterre victorienne.
2.—une énigme : « Erehwon » est l’anagramme des mots No Where (utilisée également par Butler dans son livre), Now Here, ici et maintenant, et de new hero, nouveau héros.
3.—une quête : la ville réelle d’Erewhon est située en Nouvelle-Zélande (il est d’ailleurs amusant de noter que ce pays semble par nature exciter les imaginations fantaisistes, puisqu’il est souvent celui que choisissent ceux qui veulent créer un lieu sans avoir à le situer, de Peter Jackson à Samuel Butler).
4.—une constellation : par delà la généalogie du mot lui-même, ses sonorités étranges ouvrent tout un réseau d’associations serrées, un champ imaginaire très personnel où viennent s’engouffrer les dieux anciens, Yot-Sototh et le mythe de Cthulhu de Lovecraft, la folie d’Hasil Adkins, les faits divers, les ovnis, la vivante et labyrinthique maison des feuilles de Danielewski et sa créativité narrative et graphique, Novalis, le Sturm und Drang, le golem de Frankenstein.
À l’imaginaire bizarre et héroïque que charrie le mot « Erehwon », Yann Géraud a aussi accolé « p.o.v. », l’abréviation de point of view. Et c’est une manière de renvoyer au spectateur, à sa circulation dans l’exposition, à son expérience dans l’espace réel, physique, de la sculpture : « Dans Erehwon p.o.v. […] on ne pourra que se tenir à l’intérieur, l’extérieur n’étant pas accessible, écrit-il. L’espace ainsi occupé répond à une envie de confrontation directe, la visite de l’exposition ne pourra pas se faire en étant à l’extérieur, le spectateur sera englouti dans cet environnement, qui n’en est pas un d’ailleurs. »
La sculpture de Yann Géraud peut se comprendre et se regarder comme une tentative d’« objectiver l’esprit » et de produire ces « structures visuelles / perceptuelles » qu’évoquait Denis Oppenheim en 1980 [1]. « Comment rendre compte en une forme du fonctionnement de l’esprit ? Comment le traduire honnêtement ? »
La réponse plastique à ces questions très spéculatives réside pour Yann Géraud dans une fidélité aux formes complexes et à la combinatoire. Elle tient aussi à la mise en avant continuelle du processus de création et de production, et à un réel souci de l’implication physique de l’artiste dans la production. Celui-ci reformule sans cesse dans ses œuvres et dans ses notes un même commandement, montrer la manière dont les pièces sont produites, exhiber leur mode physique de fabrication : « Bien que singeant l’industrie dans sa réactivité, les formes produites ne doivent en aucun cas flirter avec une espèce de perfection. Elles doivent montrer la manière dont elles ont été fabriquées. » Ou : « Ces pièces sont fabriquées humainement de la manière la plus simple et la plus rapide dans une implication physique totale. » Ou encore cette exhortation à « préférer le charbon aux diamants ».
Execution (2007), qui précède Erehwon p.o.v. dans le développement des recherches sculpturales de l’artiste relevait déjà d’une forme combinatoire. Cette sculpture labyrinthique et composée, qui évoque à la fois la forme d’un garrot et celle d’une machine, montre sa méfiance pour les formes simples: « une sculpture complexe accepte en son sein toutes pensées extérieures, contrairement à une forme simple qui pourrait s’apparenter à une forme fasciste et transcendantale. Une sculpture complexe est une sculpture généreuse qui se situe stricto sensu au niveau de l’homme, ni au dessus, ni au dessous. »
Déployant une rhétorique du combat, Yann Géraud poursuit un idéal romantique que la violence et l’ésotérisme des ses œuvres masque d’abord. Mais ses aspirations n’ont rien d’inactuel : elles répondent au besoin de contester la standardisation de l’humain et celle de ses produits, d’échapper aux représentations massives, au vocabulaire médiatique et contrôlé, d’élargir le point de vue ou au contraire de le contraindre excessivement. Caro et Claro. Vive la guerre. Ses pièces sont « une armée de sans-culottes menées sur le champ de bataille ».
Les citations de Nietzsche, Oppenheim et toutes celles de Yann Géraud sont tirées de ses notes de travail et d’un entretien par mail avec Jill Gasparina, en décembre 2008.
"Il faudrait avoir le courage de construire nos maisons comme des labyrinthes." (Nietzsche)
En dépit des formes physiques, tridimensionnelles, de ses sculptures, le travail de Yann Géraud se situe peut-être d’abord du côté de la poésie et dans le champ plus large de la création littéraire. Le titre est en lui-même une proposition poétique.
Erehwon p.o.v soit :
1.—une référence : Erewhon ou De l’autre côté des montagnes est un roman de Samuel Butler, une dystopie satirique de l’Angleterre victorienne.
2.—une énigme : « Erehwon » est l’anagramme des mots No Where (utilisée également par Butler dans son livre), Now Here, ici et maintenant, et de new hero, nouveau héros.
3.—une quête : la ville réelle d’Erewhon est située en Nouvelle-Zélande (il est d’ailleurs amusant de noter que ce pays semble par nature exciter les imaginations fantaisistes, puisqu’il est souvent celui que choisissent ceux qui veulent créer un lieu sans avoir à le situer, de Peter Jackson à Samuel Butler).
4.—une constellation : par delà la généalogie du mot lui-même, ses sonorités étranges ouvrent tout un réseau d’associations serrées, un champ imaginaire très personnel où viennent s’engouffrer les dieux anciens, Yot-Sototh et le mythe de Cthulhu de Lovecraft, la folie d’Hasil Adkins, les faits divers, les ovnis, la vivante et labyrinthique maison des feuilles de Danielewski et sa créativité narrative et graphique, Novalis, le Sturm und Drang, le golem de Frankenstein.
À l’imaginaire bizarre et héroïque que charrie le mot « Erehwon », Yann Géraud a aussi accolé « p.o.v. », l’abréviation de point of view. Et c’est une manière de renvoyer au spectateur, à sa circulation dans l’exposition, à son expérience dans l’espace réel, physique, de la sculpture : « Dans Erehwon p.o.v. […] on ne pourra que se tenir à l’intérieur, l’extérieur n’étant pas accessible, écrit-il. L’espace ainsi occupé répond à une envie de confrontation directe, la visite de l’exposition ne pourra pas se faire en étant à l’extérieur, le spectateur sera englouti dans cet environnement, qui n’en est pas un d’ailleurs. »
La sculpture de Yann Géraud peut se comprendre et se regarder comme une tentative d’« objectiver l’esprit » et de produire ces « structures visuelles / perceptuelles » qu’évoquait Denis Oppenheim en 1980 [1]. « Comment rendre compte en une forme du fonctionnement de l’esprit ? Comment le traduire honnêtement ? »
La réponse plastique à ces questions très spéculatives réside pour Yann Géraud dans une fidélité aux formes complexes et à la combinatoire. Elle tient aussi à la mise en avant continuelle du processus de création et de production, et à un réel souci de l’implication physique de l’artiste dans la production. Celui-ci reformule sans cesse dans ses œuvres et dans ses notes un même commandement, montrer la manière dont les pièces sont produites, exhiber leur mode physique de fabrication : « Bien que singeant l’industrie dans sa réactivité, les formes produites ne doivent en aucun cas flirter avec une espèce de perfection. Elles doivent montrer la manière dont elles ont été fabriquées. » Ou : « Ces pièces sont fabriquées humainement de la manière la plus simple et la plus rapide dans une implication physique totale. » Ou encore cette exhortation à « préférer le charbon aux diamants ».
Execution (2007), qui précède Erehwon p.o.v. dans le développement des recherches sculpturales de l’artiste relevait déjà d’une forme combinatoire. Cette sculpture labyrinthique et composée, qui évoque à la fois la forme d’un garrot et celle d’une machine, montre sa méfiance pour les formes simples: « une sculpture complexe accepte en son sein toutes pensées extérieures, contrairement à une forme simple qui pourrait s’apparenter à une forme fasciste et transcendantale. Une sculpture complexe est une sculpture généreuse qui se situe stricto sensu au niveau de l’homme, ni au dessus, ni au dessous. »
Déployant une rhétorique du combat, Yann Géraud poursuit un idéal romantique que la violence et l’ésotérisme des ses œuvres masque d’abord. Mais ses aspirations n’ont rien d’inactuel : elles répondent au besoin de contester la standardisation de l’humain et celle de ses produits, d’échapper aux représentations massives, au vocabulaire médiatique et contrôlé, d’élargir le point de vue ou au contraire de le contraindre excessivement. Caro et Claro. Vive la guerre. Ses pièces sont « une armée de sans-culottes menées sur le champ de bataille ».
Les citations de Nietzsche, Oppenheim et toutes celles de Yann Géraud sont tirées de ses notes de travail et d’un entretien par mail avec Jill Gasparina, en décembre 2008.
This exhibition has slowly evolved and been carefully thought through. With his big unhinged compositions, Yann Géraud integrally took over the space of La Salle de bains: a condensation of a five-part personal mythology (Odyssée, Tas, Welcome, Erehwon, et New Original Erewhon House), Erehwon p.o.v. (point of view) has nothing to do with a great deal of decorative propositions. This is rather a forceful deed of occupation, an annexation.
In spite of focusing on physical and tri-dimensional formal aspects, Géraud’s sculptures can first be approached from the realm of poetry, and in a larger sense from the field of literature. The title of the show in itself consists a poetic proposal.
Erehwon p.o.v. is:
1.—a reference to Samuel Butler’s novel Erewhon, a satyrical dystopia of the Victorian Era.
2.—a puzzle: “Erehwon” is an anagram combining “no where” (also used as such by Butler), “now here,” and also “new hero.”
3.—a search: the real-life Erewhon is located in New Zealand. (Moreover, this highlights a coincidence or a specificity concerning this country. New Zealand remains an exciting source for fanciful imaginations. For instance, Peter Jackson and Samuel Butler chose it to create a new place which doesn’t require an actual location.)
4.—a constellation: through the genealogy of the word, its strange sounds reveal a tight network of associations, an imaginary and personal field where references surge. Ancient gods, Yot-Sototh, and Lovecraft’s Cthulhu myth, Hasil Atkins’ craziness, news-in-brief, UFOs, Danielewski’s House of Leaves and its narrative as well as graphic creativity, Novalis, Sturm und Drang, Frankenstein’s Golem…
Yann Géraud juxtaposes the term “erehwon,” carrying the odd and epic imaginary part, to the abbreviation “p.o.v.” for “point of view.” Thus, he refers to the viewer’s position, to his experience in the real or physical space of the sculpture: “In Erehwon p.o.v. […] we can only stand inside, as the outside is unaccessible. Thus, the occupied space fulfills a desire of direct confrontation. It is not possible to visit the exhibition from outside, the viewer has to be immersed in this sort of environment.”
Yann Géraud’s sculpture can be observe or understand as an attempt to “objectify the thought” and to produce “visual or perceptual structures” such as those described by Denis Oppenheim in the 1980s. How is it possible to formally translate mind mechanism?
According to Yann Géraud, the plastic answer to those speculative questions lies in the accuracy to complex forms and to combinatorial analysis.It also continually focuses on the creation and production process, with a deep concern for the artist’s physical implication in production. He constantly reformulates the same commandment in his work, as well as in his writings, in order to show how pieces are produced and to expose their physical making: “While imitating industry in terms of reactivity, forms have to stand up to any type of perfection standard. They have to reveal the way they have been produced,” or “those hand-crafted pieces have been created in the simplest and fastest way including a complete physical implication,” or his exhortation of “preferring coal to diamonds.” In Yann Géraud’s work, Execution (2007) led up to Erehwon p.o.v. and revealed his interest in combinatory forms. This labyrinthine and composed sculpture evoking both a garrote and a machine underlines an interest in simple forms: “a complex sculpture integrates within itself all outer ideas, contrary to a fascist and transcendental simple form. A complex sculpture is a generous, a stricto sensu human one."
The artist expends the rhetoric of struggle and pursues a romantic ideal that, at first glance, is hidden beyond violence and esotericism. However, this desire is not anachronistic:it points out a necessity to contest the standardization of mankind, as well as production. This represents a desire to move away from industrial representations, from mass media vocabulary, and to enlarge and broaden the viewpoint, or inversely to strongly constrain it. Caro and Claro. Long live War. Géraud’s works are “a sans-culotte army led to the battlefield.”
In spite of focusing on physical and tri-dimensional formal aspects, Géraud’s sculptures can first be approached from the realm of poetry, and in a larger sense from the field of literature. The title of the show in itself consists a poetic proposal.
Erehwon p.o.v. is:
1.—a reference to Samuel Butler’s novel Erewhon, a satyrical dystopia of the Victorian Era.
2.—a puzzle: “Erehwon” is an anagram combining “no where” (also used as such by Butler), “now here,” and also “new hero.”
3.—a search: the real-life Erewhon is located in New Zealand. (Moreover, this highlights a coincidence or a specificity concerning this country. New Zealand remains an exciting source for fanciful imaginations. For instance, Peter Jackson and Samuel Butler chose it to create a new place which doesn’t require an actual location.)
4.—a constellation: through the genealogy of the word, its strange sounds reveal a tight network of associations, an imaginary and personal field where references surge. Ancient gods, Yot-Sototh, and Lovecraft’s Cthulhu myth, Hasil Atkins’ craziness, news-in-brief, UFOs, Danielewski’s House of Leaves and its narrative as well as graphic creativity, Novalis, Sturm und Drang, Frankenstein’s Golem…
Yann Géraud juxtaposes the term “erehwon,” carrying the odd and epic imaginary part, to the abbreviation “p.o.v.” for “point of view.” Thus, he refers to the viewer’s position, to his experience in the real or physical space of the sculpture: “In Erehwon p.o.v. […] we can only stand inside, as the outside is unaccessible. Thus, the occupied space fulfills a desire of direct confrontation. It is not possible to visit the exhibition from outside, the viewer has to be immersed in this sort of environment.”
Yann Géraud’s sculpture can be observe or understand as an attempt to “objectify the thought” and to produce “visual or perceptual structures” such as those described by Denis Oppenheim in the 1980s. How is it possible to formally translate mind mechanism?
According to Yann Géraud, the plastic answer to those speculative questions lies in the accuracy to complex forms and to combinatorial analysis.It also continually focuses on the creation and production process, with a deep concern for the artist’s physical implication in production. He constantly reformulates the same commandment in his work, as well as in his writings, in order to show how pieces are produced and to expose their physical making: “While imitating industry in terms of reactivity, forms have to stand up to any type of perfection standard. They have to reveal the way they have been produced,” or “those hand-crafted pieces have been created in the simplest and fastest way including a complete physical implication,” or his exhortation of “preferring coal to diamonds.” In Yann Géraud’s work, Execution (2007) led up to Erehwon p.o.v. and revealed his interest in combinatory forms. This labyrinthine and composed sculpture evoking both a garrote and a machine underlines an interest in simple forms: “a complex sculpture integrates within itself all outer ideas, contrary to a fascist and transcendental simple form. A complex sculpture is a generous, a stricto sensu human one."
The artist expends the rhetoric of struggle and pursues a romantic ideal that, at first glance, is hidden beyond violence and esotericism. However, this desire is not anachronistic:it points out a necessity to contest the standardization of mankind, as well as production. This represents a desire to move away from industrial representations, from mass media vocabulary, and to enlarge and broaden the viewpoint, or inversely to strongly constrain it. Caro and Claro. Long live War. Géraud’s works are “a sans-culotte army led to the battlefield.”
[1]. « Pourquoi ne pas inverser le procédé et permettre à la pensée de s’insérer après que la forme ait été mise en place ? Le but serait alors d’objectiver l’esprit, de le rendre en terme de constructions qui soient presque visuelles. Ces constructions recevraient alors une énergie, une force qui serait elle-même similaire à celle de cette pensée. Une démarche ambitieuse serait de rechercher les structures visuelles / perceptuelles ; elles seraient des tentatives de refléter la pensée qui les produit, permettant donc à la forme extérieure de fonctionner sur le même plan d’énergie élevée que celui de la pensée qui traverse l’esprit. » Denis Oppenheim, 1980.
[1]. « Pourquoi ne pas inverser le procédé et permettre à la pensée de s’insérer après que la forme ait été mise en place ? Le but serait alors d’objectiver l’esprit, de le rendre en terme de constructions qui soient presque visuelles. Ces constructions recevraient alors une énergie, une force qui serait elle-même similaire à celle de cette pensée. Une démarche ambitieuse serait de rechercher les structures visuelles / perceptuelles ; elles seraient des tentatives de refléter la pensée qui les produit, permettant donc à la forme extérieure de fonctionner sur le même plan d’énergie élevée que celui de la pensée qui traverse l’esprit. » Denis Oppenheim, 1980.

Erehwon P.O.V., 2009
carton d'invitation
Yann Géraud, né en 1977 (France).
Vit et travaille à Hambourg.
Vit et travaille à Hambourg.
Yann Géraud, né en 1977 (France).
Vit et travaille à Hambourg.
Vit et travaille à Hambourg.
La Salle de bains reçoit le soutien du Ministère de la Culture DRAC Auvergne-Rhône-Alpes,
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.