








Photos : Aurélie Leplâtre.
Photos : Aurélie Leplâtre.
Les nouvelles nouvelles libertés, Accesorios especiales
Hors les murs → École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon
École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon
le Réfectoire des nonnes
8 quai Saint-Vincent
FR - 69001 Lyon
Le PVC rose brillant semble encore humide, comme une couche de peinture fraîchement posée non pas sur le mur mais le long du mur, simplement suspendue à un rail d’aluminium.
Cette nouvelle série d’œuvres réalisée par Halvor Rønning et Martyn Reynolds est littéralement de la peinture sans châssis ni toile. Son type d’accrochage évoque la tapisserie autant que l’atmosphère transpirante d’une salle de gym. Le monochrome rose sert à la fois de fond et de surface, il s’entremêle par intermittence aux autres éléments de la composition picturale. Ce matériau étrange, redondant et kitsch fonctionne comme la peau neuve et toujours plus artificielle de ces images désincarnées de célébrités.
Les portraits de ces personnages pour la plupart fabriqués par la télé-réalité sont tronqués, déformés ou abîmés. Ces visuels ont été sélectionnés de manière automatique ou aléatoire, piochés dans les kiosques à journaux français, soit dans le contexte local ou «de proximité» du lieu de production des œuvres. Cet ancrage culturel est bien entendu caduque et superficiel dans la mesure où ces couvertures de magazines et fragments de tabloïds parlent le langage global de la presse jaune (et non pas rose) : des histoires d’amour, des contes de fées et leurs pendants sordides qui se retrouvent pareillement d’un pays à l’autre.
Comme une seule et même histoire — linéaire, infinie et qui se déploie de la sorte au moins depuis les années soixante — ce sont toujours les mêmes récits ou composants narratifs sensationnels qui reviennent. La continuité de cette histoire est ici soulignée et assurée par l’utilisation du seul support qu’est ce rouleau de PVC très fin et presque visqueux. L’image devient ici motif à l’instar de l’édition au mètre d’un papier peint. Les lés, chacune de longueur différente, n’ont ni haut ni bas et potentiellement chaque partie peut donner lieu à d’autres combinaisons et donc à d’autres compositions d’ensemble. La reproduction sérielle des images est compromise par cette approche non-hiérarchique du contenu visuel mais surtout par les dessins, graffitis ou illustrations qui parasitent le tout et contrastent avec la surface lisse et brillante du PVC.
Ces dessins à main levée sont exécutés sur le motif, ils résultent de l’observation d’une des images imprimées. Les artistes s’interdisent de regarder le dessin en train de se faire. Ainsi, les grandes lignes, tortueuses et assurément maladroites, sont reportées à la surface du rouleau de PVC ou sur une feuille de papier. Dans ce dernier cas, le dessin est ensuite scanné et imprimé sur le rouleau en cyan, magenta, jaune, blanc et noir et ce en référence au procédé de séparation quadrichromique utilisé en imprimerie assistée par ordinateur.
Via ces dessins au trait dont l’exécution est fondamentalement sommaire, et qui flirte avec la caricature, la femme (Nabilla) qui pleure derrière sa main ou le couple qui s’enlace sur la plage deviennent monstrueux, comme un écho déformant à la saturation, à la visibilité ou à la reproduction outrancière de ces corps et visages. Aucun système ni protocole ne prévaut à ces dessins, ces gestes purement subjectifs participent d’une tendance qui vise à rompre avec ce tabou proscrivant toute forme avouée de subjectivité dans les pratiques artistiques contemporaines. D’un point de vue formel et conceptuel, les œuvres ne répondent à aucune logique interne ou intrinsèque, et en cela, elles visent à s’affranchir de la surface et de l’usage lourdement connoté de ces images génériques et sans qualité.
À l’instar de certaines offres commerciales qui proposent de personnaliser des objets de masse standardisés grâce à des accessoires et ornements divers, les matériaux industriels que sont le PVC et les images de presse sont ici customisés par les dessins. Ce type de stratégie marketing qui consiste à augmenter la dimension narcissique et le sentiment de sécurité allant de paire avec l’idée de posséder était déjà au cœur des réflexions de Dan Graham dans sa série sur les pavillons des banlieues américaines : Homes for America (1966). Et c’est non sans humour que cette question de l’appropriation d’un territoire renvoie à «Property Porn», la première exposition de Halvor Rønning et Martyn Rey-nolds en 2011, pour aboutir quelques chapitres plus tard aux «Nouvelles nouvelles libertés, accesorios especiales» (accessoires spéciaux en français) sur l’ensemble sur fond de vinyle rose principalement produit pour les besoins de l’industrie du sexe.
École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon
le Réfectoire des nonnes
8 quai Saint-Vincent
FR - 69001 Lyon
Shiny pink PVC seems to be wet, like a layer of pure fresh paint dripping and directly hung from the box.
This series of new works collaboratively realized by Halvor Rønning and Martyn Reynolds are literally paintings without canvases but they also refer to tapestry or to the sweaty atmosphere and the towels carelessly hung in a gym club. The pink monochrome serves both as a background and an intertwined element of the pictorial composition. This kitsch, redundant and uncanny material also functions as a new skin for mass media images, and somehow as an even more artificial skin for the disembodied and repetitive images of celebrities.
Mostly fabricated by TV reality shows — these characters whose images are cropped, trashed or deformed have been randomly selected from the local context where the works have been produced, purchased from French newspaper kiosks. This is of course a totally fake local anchor since these magazine covers and news fragments visually speak the very global language of what is not pink but yellow press: the love, dreamy or sordid stories sold by tabloids finding each their equivalent from one country to another.
This linear infinite story, unfolding and repeating itself since the 1960s, always hammers the same narratives with sensational components. Combined in a blow-up strategy directly inherited from Pop art and advertising which consists of enlarging the scale of any object, logo or commercial imagery, the continuity of these stories is here highlighted and insured by the use of a roll of very thin and viscous PVC. Like the production process of wallpaper, images become patterns. The strips cut from the roll have no top, no bottom, no beginning and no end. Each panel is used as part of a larger composition or polytych. The potential reproduction and seriality of images are annihilated by this upside down approach to the visual content and by the handmade drawings, graffiti and illustrations almost parasitic or at least strongly contrasting with the smooth pink and shiny surfaces.
These freehand drawings have been mainly executed from the observation of an image but without looking at the drawing itself while it was being done. The main lines are directly drawn on the surface of the PVC or on paper and then scanned and reproduced in cyan, magenta, yellow and black, echoing the four-color process. The image sources are for instance the scene of a couple lying and hugging on the beach, or the portrait of a woman crying, her face hidden between her hands. This fast and free-spirited graphic technique tends to emphasize the monstrous potentiality of these bodies (for instance the hands of the lady look more like big and old hands of a man), which are outrageously reproduced and multiplied on the glossy paper of the magazines. No protocols or systems prevail in these drawings, and in this sense Halvor Rønning and Martyn Reynolds contradict the idea of the printed images and its potential serial reproduction. Here they also reach the breaking point of subjectivity, an element of the creation process which is currently at stake in contemporary art practices — not to say a taboo. Formally and so conceptually their works do not necessarily respond to their own or intrinsic logic. Therefore a freedom towards a certain form of lyricism is literally taken from the surface of these highly loaded and connoted images.
The industrial PVC and the mass-produced images are not only customized but also personalized by the drawings — echoing the promise of marketing; the possibility to personalize any standardized products with ornaments or accessories. A commercial strategy that aims to increase the narcissistic and secure feeling provided by the idea of appropriating and owning, something that was for instance already at stake in Dan Graham’s series Homes for America in 1966. With a great coherency and a lot of humor this idea also leads us back to some concerns evoked in Property Porn (Halvor Rønning and Martyn Reynolds first solo show in 2011), and back again to Les Nouvelles nouvelles libertés, accesorios especiales with its amused wink to the use of pink PVC by the sex industry.

Nés en 1984 à Bergen et en 1981 à Auckland.
Basés à Oslo et à Vienne.
Nés en 1984 à Bergen et en 1981 à Auckland.
Basés à Oslo et à Vienne.
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.


