MAYBE NEXT TIME
“Maybe next time”, “la prochaine fois peut-être”, est avant tout un mot d’excuse mais il nous plaît d’y entendre autant de déceptions que de promesses. D’ailleurs c’est dans cette ambivalence que la plupart des œuvres nous touchent depuis la fin des avant-gardes révolutionnaires: elles sont portées par la croyance en d’autres mondes possibles tout en admettant que l’art n’y pourra rien, ou presque. Qu’en serait-il si cette ritournelle qui embaume la Salle de bains et dont vos oreilles sont déjà lasses à ce stade de la lecture, entrait dans le langage des puissants de ce monde, répondant sur le sujet de la chaîne inéluctable des catastrophes liées au dérèglement climatique, par exemple : “Maybe next time”?
L’exposition emprunte son titre au film de Robot, le groupe musical formé en 2004 par John Miller et Takuji Kogo où se rencontrent leur intérêt pour le sampling d’images trouvées et de poésie disponible dans les spams, sites de rencontre ou de développement personnel. Dans Maybe Next Time (2024), les paroles chantées par différentes voix de synthèse sont tirées d’un site proposant des manières polies et crédibles d’annuler un rendez-vous non désiré. Cette prose libérale est associée à des séquences vidéos trouvées sur internet, montrant des rues désolées de Pékin lors du confinement lié au COVID 19.
Les œuvres réunies autour de ce film apportent de nouveaux éléments narratifs et découvrent d’autres zones de ce décor qui présente quelques ressemblances avec notre monde dans lequel se réalisent les fictions dystopiques. Mais elles témoignent aussi de pratiques d’atelier et d’intérêts premiers pour les formes qui tiennent à distance, avec la même nonchalance que cet air jazzy (on vous prévient : ça reste dans la tête), les justifications qu’on trouve sur les communiqués de presse.
Céline Vaché-Olivieri et Bruno Silva ont en commun d’être des flâneuse et flâneur qui collectionnent textes, images et rebuts d’objets de consommation, le plus souvent dans les banlieues de Paris (pour l’une) et sur les plages polluées de la côte portugaise (pour l’autre), déchets que Bruno Silva appelle des “résidus émotionnels”. Ils sont traités avec un mélange de colle et de talc dont il a la recette et qui leur donne cet aspect momifié, maintenu entre la vie et la mort, comme dans with Clarice en référence à la femme de lettres brésilienne Clarice Lispector. Cette fois c’est plutôt un rendez-vous manqué mais désiré qui est évoqué.
On remarquera que l’exposition insiste un tantinet sur l’idée de corps déboités et d’esprits évaporés, quitte à faire basculer cette douce mélancolie urbanisée dans une scène plus gore. Qu’on pense à la trépanation volontaire que s’infligent les joueur.euses de Candy crush dans le métro pour se murer dans le confort de leur solitude (photographiés par Céline Vaché-Olivieri avant d’être transférés sur des remakes de sacs Quechua) ou au motif récurrent (bien que crypté) du décapité dans les sculptures de Naoki Sutter-Shudo. Headless (2024), placé au-dessus du bureau de la Salle de bains, reprend un motif présent sur la couverture du n°1 de la revue Acéphale (1936) dirigée par Georges Bataille qui y signe un texte sombre et enflammé, prédisant le dépassement d’une condition humaine médiocre dans le monde de la “vulgarité instruite”. Envisageait-il alors le devenir robots des humains?
Les sculptures de Naoki Sutter-Shudo semblent consentir à des lois secrètes, contenir un code caché.
À la fois, elles se présentent comme des évidences bêtes ou froides, si l'on peut le dire de l’œuvre titrée Incendie pendant que l’artiste est chez lui à Los Angeles en proie à des feux sans précédents. Main character Energy de Camille Dumond est pour sa part une œuvre encodée. L’artiste réalise des films de fiction pour lesquels elle s’intéresse aux schémas narratifs et à l’influence des structures en place sur les corps et les esprits des individus. Ses expériences menées dans l’atelier, avec la céramique entre autres, composent des sortes de documents qui exposent des données, en l’occurrence des statistiques de genre dans les fictions de cinéma en marge de la théorie du voyage initiatique du héros (hero’s Journey) de Joseph Campbell (1949).
“Maybe next time”, “la prochaine fois peut-être”, est avant tout un mot d’excuse mais il nous plaît d’y entendre autant de déceptions que de promesses. D’ailleurs c’est dans cette ambivalence que la plupart des œuvres nous touchent depuis la fin des avant-gardes révolutionnaires: elles sont portées par la croyance en d’autres mondes possibles tout en admettant que l’art n’y pourra rien, ou presque. Qu’en serait-il si cette ritournelle qui embaume la Salle de bains et dont vos oreilles sont déjà lasses à ce stade de la lecture, entrait dans le langage des puissants de ce monde, répondant sur le sujet de la chaîne inéluctable des catastrophes liées au dérèglement climatique, par exemple : “Maybe next time”?
L’exposition emprunte son titre au film de Robot, le groupe musical formé en 2004 par John Miller et Takuji Kogo où se rencontrent leur intérêt pour le sampling d’images trouvées et de poésie disponible dans les spams, sites de rencontre ou de développement personnel. Dans Maybe Next Time (2024), les paroles chantées par différentes voix de synthèse sont tirées d’un site proposant des manières polies et crédibles d’annuler un rendez-vous non désiré. Cette prose libérale est associée à des séquences vidéos trouvées sur internet, montrant des rues désolées de Pékin lors du confinement lié au COVID 19.
Les œuvres réunies autour de ce film apportent de nouveaux éléments narratifs et découvrent d’autres zones de ce décor qui présente quelques ressemblances avec notre monde dans lequel se réalisent les fictions dystopiques. Mais elles témoignent aussi de pratiques d’atelier et d’intérêts premiers pour les formes qui tiennent à distance, avec la même nonchalance que cet air jazzy (on vous prévient : ça reste dans la tête), les justifications qu’on trouve sur les communiqués de presse.
Céline Vaché-Olivieri et Bruno Silva ont en commun d’être des flâneuse et flâneur qui collectionnent textes, images et rebuts d’objets de consommation, le plus souvent dans les banlieues de Paris (pour l’une) et sur les plages polluées de la côte portugaise (pour l’autre), déchets que Bruno Silva appelle des “résidus émotionnels”. Ils sont traités avec un mélange de colle et de talc dont il a la recette et qui leur donne cet aspect momifié, maintenu entre la vie et la mort, comme dans with Clarice en référence à la femme de lettres brésilienne Clarice Lispector. Cette fois c’est plutôt un rendez-vous manqué mais désiré qui est évoqué.
On remarquera que l’exposition insiste un tantinet sur l’idée de corps déboités et d’esprits évaporés, quitte à faire basculer cette douce mélancolie urbanisée dans une scène plus gore. Qu’on pense à la trépanation volontaire que s’infligent les joueur.euses de Candy crush dans le métro pour se murer dans le confort de leur solitude (photographiés par Céline Vaché-Olivieri avant d’être transférés sur des remakes de sacs Quechua) ou au motif récurrent (bien que crypté) du décapité dans les sculptures de Naoki Sutter-Shudo. Headless (2024), placé au-dessus du bureau de la Salle de bains, reprend un motif présent sur la couverture du n°1 de la revue Acéphale (1936) dirigée par Georges Bataille qui y signe un texte sombre et enflammé, prédisant le dépassement d’une condition humaine médiocre dans le monde de la “vulgarité instruite”. Envisageait-il alors le devenir robots des humains?
Les sculptures de Naoki Sutter-Shudo semblent consentir à des lois secrètes, contenir un code caché.
À la fois, elles se présentent comme des évidences bêtes ou froides, si l'on peut le dire de l’œuvre titrée Incendie pendant que l’artiste est chez lui à Los Angeles en proie à des feux sans précédents. Main character Energy de Camille Dumond est pour sa part une œuvre encodée. L’artiste réalise des films de fiction pour lesquels elle s’intéresse aux schémas narratifs et à l’influence des structures en place sur les corps et les esprits des individus. Ses expériences menées dans l’atelier, avec la céramique entre autres, composent des sortes de documents qui exposent des données, en l’occurrence des statistiques de genre dans les fictions de cinéma en marge de la théorie du voyage initiatique du héros (hero’s Journey) de Joseph Campbell (1949).
Liste des œuvres :
List of works :
objets trouvés en bord de mer, solution de colle blanche, talc et poudre de coquilles d’huitre
10×10×8cm
2. Céline Vaché-Olivieri, THE TART BAG, 2024
tissus, papiers, étiquettes, transferts copie du modèle NH Escape 500 de la marque Quechua
50×30×16cm
3. Naoki Sutter-Shudo, Oasis, 2022 bois, émail, aluminium anodisé, laiton, acier inoxydable
13×39×43 cm - courtesy de Crèvecœur
4. ROBOT (Takuji Kogo + John Miller),
Maybe Next time, 2024
Video, 3’52, en boucle
5. Bruno Silva, it, 2024
sacs à légumes, transfert d’impression jet d’encre sur colle blanche, vernis acrylique anti-uv
61×41 cm
6. Naoki Sutter-Shudo, Incendie, 2020
bois, émail, acier, os de colombe caoutchouté
49.5×47×29.5 cm - courtesy de Crèvecœur
7. Céline Vaché-Olivieri, Objects in the mirror are closer than they appear (Mouth), 2025
miroir de rétroviseur, papier - série depuis 2020
15×13×0,5cm
8. Bruno Silva, with Clarice, 2024
emballage de melons, écorces d’orange, solution de colle blanche et de talc, marc de café, coupes de glace
58×38×20 cm
9. Bruno Silva, insomniacs (série), 2024
images de livres de cuisine, impressions par transfert, colle blanche, vernis acrylique anti-uv
17×25×1 cm
10. Camille Dumond, Main character energy, 2024
plaque en acier, plexiglass gravé, faïence en nériage, aimants
120×60 cm
11. Naoki Sutter-Shudo, Headless, 2024
Bois émaillé, acier inoxydable
45×30×10 cm - courtesy de Crèvecœur
objets trouvés en bord de mer, solution de colle blanche, talc et poudre de coquilles d’huitre
10×10×8cm
2. Céline Vaché-Olivieri, THE TART BAG, 2024
tissus, papiers, étiquettes, transferts copie du modèle NH Escape 500 de la marque Quechua
50×30×16cm
3. Naoki Sutter-Shudo, Oasis, 2022 bois, émail, aluminium anodisé, laiton, acier inoxydable
13×39×43 cm - courtesy de Crèvecœur
4. ROBOT (Takuji Kogo + John Miller),
Maybe Next time, 2024
Video, 3’52, en boucle
5. Bruno Silva, it, 2024
sacs à légumes, transfert d’impression jet d’encre sur colle blanche, vernis acrylique anti-uv
61×41 cm
6. Naoki Sutter-Shudo, Incendie, 2020
bois, émail, acier, os de colombe caoutchouté
49.5×47×29.5 cm - courtesy de Crèvecœur
7. Céline Vaché-Olivieri, Objects in the mirror are closer than they appear (Mouth), 2025
miroir de rétroviseur, papier - série depuis 2020
15×13×0,5cm
8. Bruno Silva, with Clarice, 2024
emballage de melons, écorces d’orange, solution de colle blanche et de talc, marc de café, coupes de glace
58×38×20 cm
9. Bruno Silva, insomniacs (série), 2024
images de livres de cuisine, impressions par transfert, colle blanche, vernis acrylique anti-uv
17×25×1 cm
10. Camille Dumond, Main character energy, 2024
plaque en acier, plexiglass gravé, faïence en nériage, aimants
120×60 cm
11. Naoki Sutter-Shudo, Headless, 2024
Bois émaillé, acier inoxydable
45×30×10 cm - courtesy de Crèvecœur
Camille Dumond est née en 1988 à Évreux (France). Elle vit et travaille entre Genève et la Normandie. Elle a suivi des études à la HKB Leipzig et est diplômée de l’École nationale Supérieure Nantes-Saint Nazaire et de la HEAD–Genève. Son travail a été présenté en Suisse et à l’international, notamment, à Glassbox (Paris, 2017), au Cube - independant art room (Rabat, Maroc, 2020), à la Biennale de Saint Flour (France, 2021), au FRAC des Pays de la Loire (Nantes, France, 2021), au Centre d’Art de Neuchâtel (Suisse, 2021), au Palais de l’Athénée (Genève, Suisse, 2022), à l’espace EAC les Halles (Porrentruy, Suisse 2022), à Unanimous Consent (Zürich, Suisse 2022), au Centre d’art contemporain de Genève (Suisse, 2022), à Wieoftnoch (Karlsruhe, Allemagne, 2023), Hamlet (Zürich, 2024)
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John Miller (1954) vit et travaille à New York et à Berlin. Avec Mike Kelley et Jim Shaw, Miller a fait partie d'un groupe influent d'artistes qui ont étudié à CalArts dans les années 1970. En 2016, l'Institute of Contemporary Art de Miami a présenté la première grande exposition américaine de son œuvre. Expositions individuelles (sélection) : The Schinkel Pavillon, Berlin (2020), Kubus, Wien (avec Richard Hoeck, 2013) ; Museum Ludwig, Cologne (2011) ; Kunsthalle Zurich (2009) ; Cabinet des Estampes au Musée d'art moderne et contemporain, Genève (2004) ; The Morris and Helen Belkin Gallery, University of British Columbia, Vancouver (avec Mike Kelley, 2000) ; Le Magasin, Centre National d'Art Contemporain de Grenoble ; Kunstverein Hamburg (1999).
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Céline Vaché-Olivieri (1978) Vit et travaille en région parisienne. Elle est diplômée de la Hear Strasbourg. Son travail a été récemment montré à Pauline Perplexe, Arcueil (2024), Plateau Frac Ile-de-France (2023), Galerie Florence Loewy, Paris (2021), Ecole municipale des Beaux-arts Edouard Manet à Gennevilliers (2019) , Les Capucins à Embruns (2016).