








RÊVE GÉNÉRALE
RÊVE GÉNÉRALE provient d’un autocollant distribué dans une manifestation vers le début des années 2000, de ceux que l’on garde avec tendresse dans sa chambre d’ado comme une relique de ses premiers engagements politiques. Avec le temps, le slogan qui sonne comme un titre de Ska Punk, inspire un mélange de dérision et d’espérance sincère en un soulèvement prochain.
“Toi et ta bande” sont aussi des mots trouvés. Ils sont repris d’une archive juridique datant du moyen-âge quand, dans la région de Lausanne, les autorités ont mis en accusation une certaine espèce de vers pour avoir détruit les récoltes des paysans alors menacés par la faim. Plutôt que de donner du pain à la population, un grand procès a été organisé contre ces ennemis souterrains. Dans chaque contrée, un jour d’août à 13 heures précises, la sentence a été prononcée dans les champs, soumettant les vers et leur chef présumé à l’obligation de quitter le territoire dans les six jours.
Ce n’est pas un hasard si cette histoire trouve des échos dans le présent, voire même certaines ressemblances avec la gestion des crises contemporaines par les pouvoirs en place. Les objets historiques auxquels s’intéresse Gina Proenza, qu’ils soient proches ou lointains, souvent restés à la marge des histoires dominantes, sont dotés de ce pouvoir discret de réminiscence. Le sens surgit du non-sens, dans la répétition du motif ou des trous de la narration. Phénomène furtif, il présente la possibilité de croire encore, en des temps troublés, à la fonction des contre-récits.
La série Every entrance is an exit, réalisée à Treignac, est composée à partir d’un ensemble de photographies de pains que l’artiste a enflammés puis lancés dans le ciel. Leur ambiguïté tient autant à leur parenté avec des images générées par intelligence artificielle qu’à la versatilité de leur connotation, évoquant à la fois une étoile filante et un cocktail molotov. L’artiste en avait trouvé l’expression dans une iconographie médiévale où la représentation d’un astre porteur de présage se confond étrangement avec celle d’un pain embrasé traversant le ciel – un motif qui aurait pu avoir été introduit par l’enlumineur·euse pour annoncer une révolte populaire.
Ces images rappellent aussi, à dessein, la série de photographies de John Baldessari présentant les plus réussies de ses tentatives de jeter trois balles en l’air en ligne droite (Throwing three balls in the air to get a straight line (Best of thirty-six attempts), 1973). Au-delà du ton humoristique, elle rend compte de l’écart entre le concept d’une œuvre et sa réalisation, impliquant tout un tas de facteurs dont la chance ou encore la météo. Les pièces de Gina Proenza, tout en convoquant l’héritage de l’art minimal et conceptuel, se laissent traverser par la contingence et acceptent les variations, minant ainsi toute forme de cequant au monde et à l’art. La manière dont ces compositions font glisser les images d’un support à l’autre, intègrent d’autres images et papiers trouvés au cours du processus, en font des objets plastiques de recherche. Il s’agit toujours de se demander que faire des images et que faire des prédictions.
RÊVE GÉNÉRALE comes from a sticker distributed at a protest in the early 2000s, the kind you keep fondly in your teenage bedroom as a relic of your first political commitments. Over time, the slogan, which sounds like a Ska Punk song title, inspires a mixture of derision and sincere hope for an imminent uprising.
'Toi et ta bande' (You and your gang) are also found words. They are taken from a legal archive dating back to the Middle Ages when, in the Lausanne region, the authorities brought charges against a certain species of worms for destroying the crops of peasants who were then threatened by famine. Rather than giving bread to the population, a grand trial was organised against these underground enemies. In each region, on a day in August at 1 p.m. sharp, the sentence was pronounced in the fields, requiring the worms and their alleged leader to leave the territory within six days.
It is no coincidence that this story resonates with the present day, and even bears certain similarities to the way contemporary crises are managed by those in power. The historical objects that interest Gina Proenza, whether recent or distant, often remaining on the margins of mainstream history, are endowed with this discreet power of reminiscence. Meaning emerges from nonsense, in the repetition of motifs or gaps in the narrative. As fleeting phenomena, these objects offer the possibility of still believing, during troubled times, in the function of counter-narratives.
The series Every Entrance is an Exit, produced in Treignac, is composed of a set of photographs of loaves of bread that the artist set alight and then threw into the sky. Their ambiguity stems as much from their resemblance to images generated by artificial intelligence as from the versatility of their connotations, evoking both a shooting staror a Molotov cocktail. The artist was inspired by medieval iconography, in which the representation of an auspicious star strangely merges with that of a burning loaf of bread crossing the sky – a motif that could have been introduced by the illuminator to announce a popular uprising.
Liste des œuvres :
List of works :
Toi et ta bande, 2023 - 2025
paille d’orge et de blé, plexiglass, dimensions variables
Every entrance is an exit (1474, 1639, 1675, 1789, 1917, 2018, 2026), 2025
papier de cagette, impression sur papier, papier perforé, feuilles pvc, plexiglass
Toi et ta bande, 2023–2025
Barley and wheat straw, plexiglass, variable dimensions
Every Entrance is an Exit (1474, 1639, 1675, 1789, 1917, 2018, 2026), 2025
crate paper, print on paper, perforated paper, PVC sheets, plexiglass

Gina Proenza, (*1994, Bogotá, Colombia), lives and works in Lausanne. She studied visual arts at ECAL and dramaturgy at the University of Lausanne and La Manufacture. She has held several solo exhibitions at the Musée Cantonal d'Art in Lausanne, the Musée des Beaux-Arts in La Chaux-de-Fonds, the KunstHalle Sankt-Gallen, the Centre d'Art Neuchâtel, and the Centre Culturel Suisse in Paris. In parallel with her artistic practice, she is involved in the emerging art scenes in the region, both as co-programmer of the Forde art space in Geneva (2020-2023) and co-founder of the artist-run space Pazioli artist-run space (Renens, 2015-2017) and, in 2025, co-programmer of Tunnel Tunnel in Lausanne. She teaches sculpture and runs the Écritures workshop at ECAL with Federico Nicolao.
La Salle de bains est un espace d’art associatif situé au 1 rue Louis Vitet - 69001 Lyon
Elle reçoit le soutien du Ministère de la Culture DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon. Cette exposition bénéficie de l’aide du Canton de Vaud et de la Ville de Lausanne.




