









El astro de la suela, Geste bleu, Le village lanterne, Untitled 2021, Distorsions on glass, Panamam tombe, Rature, Shrouded & Marmelade, Phà! Phà!, Le groove de Chloé, Bells of the wittery champ, Chenille - salle 1, Julien Tiberi, La Salle de bains, Lyon, du 15 octobre au 13 novembre 2021.
Photo: Jesús Alberto Benitez
Photo: Jesús Alberto Benitez
El astro de la suela, Geste bleu, Le village lanterne, Untitled 2021, Distorsions on glass, Panamam tombe, Rature, Shrouded & Marmelade, Phà! Phà!, Le groove de Chloé, Bells of the wittery champ, Chenille - room 1, Julien Tiberi, La Salle de bains, Lyon, from 15 October to 13 November 2021.
Photo: Jesús Alberto Benitez
Photo: Jesús Alberto Benitez
El astro de la suela, Geste bleu, Panamam tombe, Phà! Phà! - salle 1
Du 15 octobre au 13 novembre 2021From 15 October to 13 November 2021
Parmi les idées qui transitent à très haut débit dans l’esprit de Julien Tiberi, il y avait celle d’une exposition comme un festival de musique, présentant les œuvres telle une liste de groupes invités, ou alors un disque, dont les œuvres composeraient les différentes pistes.
On pourrait les écouter dans un ordre puis dans un autre, où elles dévoileraient des aspects et des détails que l’on n’aurait pas entendus à la première écoute. On entrevît aussi, pendant une période de confinement, une exposition comme une fête dansante, convoyant l’image d’une immense queue leu leu pour célébrer des retrouvailles et conjurer le sort.
Au milieu, demeurait une certitude quant à la présence d’une « sculpture sonore muette » signant le goût de l’artiste pour les effets conjugués de l’oxymore et de la synesthésie. Exaucée dans cette longue ligne modulable faite d’un tissage d’un millier de grelots, c’est de manière inattendue qu’elle implique aussi un geste de dessin (dans l’agencement de la forme finale et le guidage du fil dans les anneaux). Son titre, en apparence dépréciatif, désigne au contraire la technique préférée de l’artiste, par laquelle la main, entraînée par un rythme, prend les commandes du dessin dont le sujet apparaîtra de lui-même, entre les lignes. Il est probable que l’intérêt se soit d’abord porté sur les propriétés formelles de l’objet (une forme close renfermant un son) avant d’évoquer les figures carnavalesques, créatures entre deux mondes et êtres non-humains dont la clochette est l’apanage. Son tintement signale traditionnellement le passage d’un seuil, de l’ordinaire à l’étrange, du réel à l’illusion et inversement, où, l’on s’en doute, l’artiste aime à faire des va-et-vient.
Il tient désormais de l’évidence que la production artistique de Julien Tiberi est alimentée par ce courant alternatif qui passe de la musique aux arts plastiques en contaminant chacune des pratiques. Ainsi, la peinture intitulée Phà ! Phà ! ne serait pas sourde à l’influence de la Maloya réunionnaise dont l’artiste se fait enseigner les rythmes. La Maloya est une musique originaire d’Afrique de l’Est qui accompagnait des rituels à l’adresse des morts (le kabaré) et les complaintes des esclaves ; elle fut prohibée par les administrations coloniales françaises redoutant son pouvoir émancipateur. Si cette peinture est peuplée de fantômes, tant elle résulte d’une superposition d’états et de formes recouvertes, on notera comme souvent le caractère anecdotique du premier plan, telle une distraction de courte durée redirigeant le regard vers d’autres zones du tableau.
C’est ainsi que fonctionne, selon l’artiste, la situation liminaire à laquelle ce texte en vient en dernier lieu, alors que le.la lecteur.ice en attendait certainement des explications. L’on pourrait ici s’en remettre à la manière Hitchcockienne de s’abstraire des conventions narratives en négligeant les éléments soi-disant annonciateurs de l’intrigue dès la deuxième séquence du film. Bien sûr, le champ contre-champ de l’exposition, placé à la perpendiculaire du miroir, laisse libre d’apprécier la primauté de ce qui se passe au sol ou sur l’estrade. Mais c’est encore par goût pour les jeux d’inversions que l’artiste fait apparaître au premier regard ce qui serait pour lui un angle mort de son travail (jusque là peu connu pour son usage de la performance ou du ready-made), même si ces mannequins libérés de leur fonction de présentoir ne sont pas sans évoquer une scène de danse ou de cabaret parmi les thèmes de prédilection de l’artiste. Du reste, l’on peut voir cet étrange tableau à demi vivant comme la théâtralisation d’une situation d’exposition, de ses conventions et des attentes qu’elle place, en particulier dans le rôle du·de·la médiateur·ice.
On pourrait les écouter dans un ordre puis dans un autre, où elles dévoileraient des aspects et des détails que l’on n’aurait pas entendus à la première écoute. On entrevît aussi, pendant une période de confinement, une exposition comme une fête dansante, convoyant l’image d’une immense queue leu leu pour célébrer des retrouvailles et conjurer le sort.
Au milieu, demeurait une certitude quant à la présence d’une « sculpture sonore muette » signant le goût de l’artiste pour les effets conjugués de l’oxymore et de la synesthésie. Exaucée dans cette longue ligne modulable faite d’un tissage d’un millier de grelots, c’est de manière inattendue qu’elle implique aussi un geste de dessin (dans l’agencement de la forme finale et le guidage du fil dans les anneaux). Son titre, en apparence dépréciatif, désigne au contraire la technique préférée de l’artiste, par laquelle la main, entraînée par un rythme, prend les commandes du dessin dont le sujet apparaîtra de lui-même, entre les lignes. Il est probable que l’intérêt se soit d’abord porté sur les propriétés formelles de l’objet (une forme close renfermant un son) avant d’évoquer les figures carnavalesques, créatures entre deux mondes et êtres non-humains dont la clochette est l’apanage. Son tintement signale traditionnellement le passage d’un seuil, de l’ordinaire à l’étrange, du réel à l’illusion et inversement, où, l’on s’en doute, l’artiste aime à faire des va-et-vient.
Il tient désormais de l’évidence que la production artistique de Julien Tiberi est alimentée par ce courant alternatif qui passe de la musique aux arts plastiques en contaminant chacune des pratiques. Ainsi, la peinture intitulée Phà ! Phà ! ne serait pas sourde à l’influence de la Maloya réunionnaise dont l’artiste se fait enseigner les rythmes. La Maloya est une musique originaire d’Afrique de l’Est qui accompagnait des rituels à l’adresse des morts (le kabaré) et les complaintes des esclaves ; elle fut prohibée par les administrations coloniales françaises redoutant son pouvoir émancipateur. Si cette peinture est peuplée de fantômes, tant elle résulte d’une superposition d’états et de formes recouvertes, on notera comme souvent le caractère anecdotique du premier plan, telle une distraction de courte durée redirigeant le regard vers d’autres zones du tableau.
C’est ainsi que fonctionne, selon l’artiste, la situation liminaire à laquelle ce texte en vient en dernier lieu, alors que le.la lecteur.ice en attendait certainement des explications. L’on pourrait ici s’en remettre à la manière Hitchcockienne de s’abstraire des conventions narratives en négligeant les éléments soi-disant annonciateurs de l’intrigue dès la deuxième séquence du film. Bien sûr, le champ contre-champ de l’exposition, placé à la perpendiculaire du miroir, laisse libre d’apprécier la primauté de ce qui se passe au sol ou sur l’estrade. Mais c’est encore par goût pour les jeux d’inversions que l’artiste fait apparaître au premier regard ce qui serait pour lui un angle mort de son travail (jusque là peu connu pour son usage de la performance ou du ready-made), même si ces mannequins libérés de leur fonction de présentoir ne sont pas sans évoquer une scène de danse ou de cabaret parmi les thèmes de prédilection de l’artiste. Du reste, l’on peut voir cet étrange tableau à demi vivant comme la théâtralisation d’une situation d’exposition, de ses conventions et des attentes qu’elle place, en particulier dans le rôle du·de·la médiateur·ice.
Among the ideas running high-speed through Julien Tiberi’s mind, there is one about an art show as a music festival, presenting the selected pieces like a list of invited groups, or as an album whose tracks would be made up of the featured art works. You could listen to them in one order and then another in which they would reveal aspects and details that you hadn’t caught the first time. We also glimpsed during confinement an exhibition as a dance party, conveying the image of a gigantic conga line to celebrate a reunion or ward off bad luck.
In the middle remains a conviction as to the presence of a “mute sound sculpture,” silently conveying as by sign language the artist’s taste for the combined effects of oxymoron and synesthesia. It is granted in that long adjustable line formed by weaving thousands of little bells together; unexpectedly it also implies drawing, a graphic gesture (in the arrangement of the final shape as well as guiding the thread through the rings). Derogatory on the face of it, the title actually indicates the artist’s favorite technique by which the hand, propelled by a certain rhythm, takes its orders from the drawing whose subject takes shape from and by itself. Probably his interest was drawn to the formal properties of the object (a closed form that contains a sound) before conjuring up grotesque figures, creatures that exist between two worlds and nonhuman beings for whom the little bell is a prerogative. Its tinkle traditionally announces the crossing of a threshold, from the ordinary to the odd, reality to illusion and vice versa, where the artist – we suspected as much – loves to effect his own to-and-fro passage.
It’s now clear then that Tiberi’s output draws on this alternating current that runs from music to the visual arts, contaminating each of the mediums practiced. So the painting titled Phà ! Phà ! wouldn’t be deaf to the influence of Reunionese Maloya, whose rhythms the artist was keen to learn. Maloya is a form of music with roots in East Africa that accompanies rituals for the dead (kabaré) and the laments of slaves; it was banned by French colonial authorities, who feared its liberating force. If this painting is peopled with ghosts – since it springs from a layering of states and shapes covered over in succeeding reworkings – the anecdotal character of the foreground is, as is often pointed out, hard to overlook, like a quick distraction redirecting the eye towards other areas of the picture.
And as the artist sees it, this is how the threshold situation works, to which the present text is added as the final layer, whereas readers surely were expecting explanations. Here we might leave it up to Hitchcock's way of breaking free of narrative conventions by consciously overlooking so-called foreshadowing elements in the plot, starting with the second sequence of the film. Of course the classic "shot-reverse shot" of the exhibition, placed perpendicular to the mirror, leaves visitors free to enjoy the primacy of what’s taking place on the floor or platform. But it’s a taste for playing with reversals that leads the artist to make plain at a glance what would be for him a blind spot in his work (until then not especially known for using performance and ready-mades), even if these mannequins, freed from their function as displays, might suggest a dance or cabaret scene, among the artist’s favorite themes. Besides, visitors might view this strange half-alive tableau as a dramatization of an exhibition situation, its conventions, and the expectations it raises especially in the mediator’s role.
translation : John O'Toole
In the middle remains a conviction as to the presence of a “mute sound sculpture,” silently conveying as by sign language the artist’s taste for the combined effects of oxymoron and synesthesia. It is granted in that long adjustable line formed by weaving thousands of little bells together; unexpectedly it also implies drawing, a graphic gesture (in the arrangement of the final shape as well as guiding the thread through the rings). Derogatory on the face of it, the title actually indicates the artist’s favorite technique by which the hand, propelled by a certain rhythm, takes its orders from the drawing whose subject takes shape from and by itself. Probably his interest was drawn to the formal properties of the object (a closed form that contains a sound) before conjuring up grotesque figures, creatures that exist between two worlds and nonhuman beings for whom the little bell is a prerogative. Its tinkle traditionally announces the crossing of a threshold, from the ordinary to the odd, reality to illusion and vice versa, where the artist – we suspected as much – loves to effect his own to-and-fro passage.
It’s now clear then that Tiberi’s output draws on this alternating current that runs from music to the visual arts, contaminating each of the mediums practiced. So the painting titled Phà ! Phà ! wouldn’t be deaf to the influence of Reunionese Maloya, whose rhythms the artist was keen to learn. Maloya is a form of music with roots in East Africa that accompanies rituals for the dead (kabaré) and the laments of slaves; it was banned by French colonial authorities, who feared its liberating force. If this painting is peopled with ghosts – since it springs from a layering of states and shapes covered over in succeeding reworkings – the anecdotal character of the foreground is, as is often pointed out, hard to overlook, like a quick distraction redirecting the eye towards other areas of the picture.
And as the artist sees it, this is how the threshold situation works, to which the present text is added as the final layer, whereas readers surely were expecting explanations. Here we might leave it up to Hitchcock's way of breaking free of narrative conventions by consciously overlooking so-called foreshadowing elements in the plot, starting with the second sequence of the film. Of course the classic "shot-reverse shot" of the exhibition, placed perpendicular to the mirror, leaves visitors free to enjoy the primacy of what’s taking place on the floor or platform. But it’s a taste for playing with reversals that leads the artist to make plain at a glance what would be for him a blind spot in his work (until then not especially known for using performance and ready-mades), even if these mannequins, freed from their function as displays, might suggest a dance or cabaret scene, among the artist’s favorite themes. Besides, visitors might view this strange half-alive tableau as a dramatization of an exhibition situation, its conventions, and the expectations it raises especially in the mediator’s role.
translation : John O'Toole
Liste des œuvres :
List of works :
Rature, 2021
grelots, fil
dimensions variables
Phà! Phà!, 2019-2021
peinture sur toile, techniques mixtes
130x160 cm
Geste bleu, 2021
mannequins, avec ou sans médiatrice
dimensions variables
Frog, 2021
grelots, ventouse
dimensions variables
El astro de la suela, 2020
crayon, gouache, drawing gum
36x30 cm
grelots, fil
dimensions variables
Phà! Phà!, 2019-2021
peinture sur toile, techniques mixtes
130x160 cm
Geste bleu, 2021
mannequins, avec ou sans médiatrice
dimensions variables
Frog, 2021
grelots, ventouse
dimensions variables
El astro de la suela, 2020
crayon, gouache, drawing gum
36x30 cm
Rature, 2021
bells, thread
various dimensions
Phà! Phà!, 2019-2021
oil on canvas, mixed media
130x160 cm
Geste bleu, 2021
mannequins, with or without performer
various dimensions
Frog, 2021
bells, suction cup
various dimensions
El astro de la suela, 2020
lead pencil, gouache, drawing gum
36x30 cm
bells, thread
various dimensions
Phà! Phà!, 2019-2021
oil on canvas, mixed media
130x160 cm
Geste bleu, 2021
mannequins, with or without performer
various dimensions
Frog, 2021
bells, suction cup
various dimensions
El astro de la suela, 2020
lead pencil, gouache, drawing gum
36x30 cm

El astro de la suela, Geste bleu, Panamam tombe, Phà! Phà! - salle 1, 2021
Affiche
Julien Tiberi (né en 1979 à Marseille), vit et travaille à Paris.
Les oeuvres de Julien Tiberi ont fait l’objet d’expositions à la Tôlerie, Clermont- Ferrand (FR), à Parasol Unit Foundation for Contemporary Art, Londres (UK), au Center for Contemporary Art FUTURA, Prague (CZ), au National Museum of Contemporary Art, Bucharest (RO), au FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR), à la Villa du Parc, Annemasse (FR) et au Palais de Tokyo, Paris (FR). Ses oeuvres font partie des collections du Centre National des Arts Plastiques (CNAP), Paris (FR), du FRAC Champagne-Ardenne, Reims (FR), du FRAC Corse, Corte (FR), du FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR) et du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille (FR). Il est représenté par la galerie Sémiose à Paris
Les oeuvres de Julien Tiberi ont fait l’objet d’expositions à la Tôlerie, Clermont- Ferrand (FR), à Parasol Unit Foundation for Contemporary Art, Londres (UK), au Center for Contemporary Art FUTURA, Prague (CZ), au National Museum of Contemporary Art, Bucharest (RO), au FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR), à la Villa du Parc, Annemasse (FR) et au Palais de Tokyo, Paris (FR). Ses oeuvres font partie des collections du Centre National des Arts Plastiques (CNAP), Paris (FR), du FRAC Champagne-Ardenne, Reims (FR), du FRAC Corse, Corte (FR), du FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR) et du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille (FR). Il est représenté par la galerie Sémiose à Paris
Julien Tiberi (born in 1979 in Marseille), lives and works in Paris. Julien Tiberi's works have been the subject of exhibitions at la Tôlerie, Clermont-Ferrand (FR), at the Parasol Unit Foundation for Contemporary Art, London (UK), at the Center for Contemporary Art FUTURA, Prague (CZ), at National Museum of Contemporary Art, Bucharest (RO), at the FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR), at the Villa du Parc, Annemasse (FR) and at the Palais de Tokyo, Paris (FR). His works are part of the collections of the Center National des Arts Plastiques (CNAP), Paris (FR), FRAC Champagne-Ardenne, Reims (FR), FRAC Corse, Corte (FR), FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR ) and FRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur, Marseille (FR). His work is reprensented by Semiose gallery in Paris
LIRE la critique de Raphaël Brunel dans La belle revue
READ the review by Raphaël Brunel in La belle revue
La Salle de bains reçoit le soutien du Ministère de la Culture DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.


