










Le Village Lanterne (Glass series) - salle 2, Julien Tiberi, La Salle de bains, Lyon, du 19 novembre au 18 décembre 2021.
Photo : Jesús Alberto Benitez
Photo : Jesús Alberto Benitez
Le Village Lanterne (Glass series) - room 2, Julien Tiberi, La Salle de bains, Lyon, from 19 November to 18 December 2021.
Photo : Jesús Alberto Benitez
Photo : Jesús Alberto Benitez
Le Village Lanterne (Glass series) - salle 2
Du 19 novembre au 18 décembre 2021From 19 November to 18 December 2021
Lætitia Chauvin : Comment sont fabriqués ces objets en verre dans lesquels les dessins sont sertis ?
Julien Tiberi : Je travaille avec un atelier de verrerie. Nous avons dû expérimenter beaucoup pour trouver un effet de buée. L’envie de départ était de faire apparaitre l’image sous une trace de main passée sur une surface givrée. Ces objets sont obtenus par moulage (casting glass) où est coulé un verre transparent, puis, pendant la cuisson, un blanc opaque est incorporé dans la matière. L’objet est ensuite poli, dépoli et sablé en son centre pour redevenir transparent. Avec ce verre très travaillé, on a un peu la sensation de regarder à travers d’anciennes vitres faites à la main. Ce dispositif brouille la vue, c’est une vieille recette. Je me suis souvenu du film Quintet (1977) de Robert Altman, avec beaucoup d’effets de caméra subjective, dans un décor catastrophique de glacier, pour lequel la caméra avait dû être entourée de vaseline… Au même titre que les dessins, le verre a subi une fusion. Ces objets sont des capsules, qui capturent la relation processuelle et temporelle de leur formation.
LC : Les dessins viennent donc après l’objet en verre ?
JT : Exactement. Les évènements qui apparaissent dans le verre donnent le fond, comme une partition avec laquelle interagir. Et le jeu consiste à faire correspondre les formes dessinées avec le fond. Une figure dans une tache du verre m’entraîne quelque part, une bulle me suggère autre chose, etc. Alors, le dessin prend des contours flous, « bullesques » ou au contraire géométrisés. Je prends le dessin dans une filature lente, qui ouvre des formes, distingue des figures, imprime un poids à l’image, la dirigeant progressivement vers l’objet. Mais les figures peuvent aussi résister. Elles se déplacent dans le papier, se transforment. Beaucoup de regards peuplent ces nouvelles oeuvres, des têtes sans corps, comme des freaks de parades. J’aime la monstruosité des transformations, des mutations, leurs tournures terribles, enchanteresses aussi. Cette métamorphose est liée au vivant, à sa plasticité, qui est la matière même du dessin. Je laisse venir ses désirs d’animation.
LC : Ces objets peuvent aussi s’envisager comme des écrins. Ils donnent un aspect précieux au dessin. Même si, maintenant, certains enchâssent aussi des « restes » d’atelier
JT : C’est plutôt du côté de la lanterne magique que ça se situe, car c’est un tour… La vitre, par la mise à distance, augmente le degré de désirabilité. C’est un « truc » qui souligne, qui crée de l’empathie. Mais cet artifice présente un risque aussi, auquel le dessin doit pouvoir échapper. D’ailleurs certaines des figures représentées, semblent glisser sous la surface, comme si elles n’étaient que de passage. Elles ont joué avec les bulles, fait leur travail de liant entre les matériaux, entre le fond et la surface, avant de disparaître pour ne laisser qu’un reflet. Mais les reflets sont peut-être des monstruosités qui s’adressent à nous à chaque changement de lumière, comme le Monstre des Hawkline de Richard Brautigan (1974). Un freak show dans l’ordinaire.
Julien Tiberi : Je travaille avec un atelier de verrerie. Nous avons dû expérimenter beaucoup pour trouver un effet de buée. L’envie de départ était de faire apparaitre l’image sous une trace de main passée sur une surface givrée. Ces objets sont obtenus par moulage (casting glass) où est coulé un verre transparent, puis, pendant la cuisson, un blanc opaque est incorporé dans la matière. L’objet est ensuite poli, dépoli et sablé en son centre pour redevenir transparent. Avec ce verre très travaillé, on a un peu la sensation de regarder à travers d’anciennes vitres faites à la main. Ce dispositif brouille la vue, c’est une vieille recette. Je me suis souvenu du film Quintet (1977) de Robert Altman, avec beaucoup d’effets de caméra subjective, dans un décor catastrophique de glacier, pour lequel la caméra avait dû être entourée de vaseline… Au même titre que les dessins, le verre a subi une fusion. Ces objets sont des capsules, qui capturent la relation processuelle et temporelle de leur formation.
LC : Les dessins viennent donc après l’objet en verre ?
JT : Exactement. Les évènements qui apparaissent dans le verre donnent le fond, comme une partition avec laquelle interagir. Et le jeu consiste à faire correspondre les formes dessinées avec le fond. Une figure dans une tache du verre m’entraîne quelque part, une bulle me suggère autre chose, etc. Alors, le dessin prend des contours flous, « bullesques » ou au contraire géométrisés. Je prends le dessin dans une filature lente, qui ouvre des formes, distingue des figures, imprime un poids à l’image, la dirigeant progressivement vers l’objet. Mais les figures peuvent aussi résister. Elles se déplacent dans le papier, se transforment. Beaucoup de regards peuplent ces nouvelles oeuvres, des têtes sans corps, comme des freaks de parades. J’aime la monstruosité des transformations, des mutations, leurs tournures terribles, enchanteresses aussi. Cette métamorphose est liée au vivant, à sa plasticité, qui est la matière même du dessin. Je laisse venir ses désirs d’animation.
LC : Ces objets peuvent aussi s’envisager comme des écrins. Ils donnent un aspect précieux au dessin. Même si, maintenant, certains enchâssent aussi des « restes » d’atelier
JT : C’est plutôt du côté de la lanterne magique que ça se situe, car c’est un tour… La vitre, par la mise à distance, augmente le degré de désirabilité. C’est un « truc » qui souligne, qui crée de l’empathie. Mais cet artifice présente un risque aussi, auquel le dessin doit pouvoir échapper. D’ailleurs certaines des figures représentées, semblent glisser sous la surface, comme si elles n’étaient que de passage. Elles ont joué avec les bulles, fait leur travail de liant entre les matériaux, entre le fond et la surface, avant de disparaître pour ne laisser qu’un reflet. Mais les reflets sont peut-être des monstruosités qui s’adressent à nous à chaque changement de lumière, comme le Monstre des Hawkline de Richard Brautigan (1974). Un freak show dans l’ordinaire.
Lætitia Chauvin: How do you make the glass objects in which your drawings are set like a kind of gemstone?
Julien Tiberi: I work with a glassmaking studio [Atelier Gamil]. We had to experiment a lot to get a mist effect. What we wanted originally was to show the image beneath what would appear to be the trace of a hand that had brushed a frosted surface. The objects are obtained using a mold [cast glass] in which a transparent glass is poured, then, while that is baking in the kiln, an opaque white is added to the glass. The object is then polished, frosted and sandblasted around its center to become transparent once again. With this highly reworked glass, you feel a bit like you’re looking through old handmade window panes. This approach clouds the view – it’s an old trick in the profession. I remembered the 1977 Robert Altman film, Quintet, with lots of subjective camera effects in an apocalyptic glacial setting. The camera must have been smeared with Vaseline… Just like the drawings, the glass was subjected to a fusion. These objects are capsules that capture the process-oriented and temporal relationship of their creation.
LC: So the drawings come after the glass object?
JT: Exactly. The events that appear in the glass establish the background, like a score to interact with. And what you have to do is to make the drawn forms correspond with the background. A figure in a stain in the glass leads me somewhere, a bubble suggests something else, etc. So the drawing takes on blurred outlines that are “bubblish” or, on the contrary, geometricized. I take drawing the way cops slowly and patiently tail a suspect; that opens up forms, distinguishes shapes, and infuses the image with weight, gradually shifting it towards objecthood. But the figures may also put up a certain resistance. They move around on the paper, are transformed. Lots of gazes people these new works, heads without bodies, like parade freaks. I like the monstrosity of the transformations, the mutations; their shapes are terrifying, enchanting, too. This metamorphosis is connected with the living, its plasticity, which is the very stuff of the drawing. I allow its yearning for animation to surface.
LC: These objects can also be imagined as a setting, a kind of jewelry box. They lend the drawings a precious look. Even if now some of them also set off studio “remainders.”
JT: It’s more in terms of the magic lantern that that is located, because it’s a trick… The glass pane, because of the distancing, heightens the degree of desirability. It’s a thing that points up, that creates empathy. Yet this artifice also harbors a risk the drawing must manage to avoid. Moreover, some of the depicted figures seem to glide under the surface as if they were only just passing through. They’ve played with the bubbles, done between the materials, between the background and the surface, before disappearing and leaving only a reflection. But the reflections are perhaps monstrosities that speak to us with every change of light, like Richard Brautigan’s 1974 novel The Hawkline Monster. A freakshow in the ordinary.
Julien Tiberi: I work with a glassmaking studio [Atelier Gamil]. We had to experiment a lot to get a mist effect. What we wanted originally was to show the image beneath what would appear to be the trace of a hand that had brushed a frosted surface. The objects are obtained using a mold [cast glass] in which a transparent glass is poured, then, while that is baking in the kiln, an opaque white is added to the glass. The object is then polished, frosted and sandblasted around its center to become transparent once again. With this highly reworked glass, you feel a bit like you’re looking through old handmade window panes. This approach clouds the view – it’s an old trick in the profession. I remembered the 1977 Robert Altman film, Quintet, with lots of subjective camera effects in an apocalyptic glacial setting. The camera must have been smeared with Vaseline… Just like the drawings, the glass was subjected to a fusion. These objects are capsules that capture the process-oriented and temporal relationship of their creation.
LC: So the drawings come after the glass object?
JT: Exactly. The events that appear in the glass establish the background, like a score to interact with. And what you have to do is to make the drawn forms correspond with the background. A figure in a stain in the glass leads me somewhere, a bubble suggests something else, etc. So the drawing takes on blurred outlines that are “bubblish” or, on the contrary, geometricized. I take drawing the way cops slowly and patiently tail a suspect; that opens up forms, distinguishes shapes, and infuses the image with weight, gradually shifting it towards objecthood. But the figures may also put up a certain resistance. They move around on the paper, are transformed. Lots of gazes people these new works, heads without bodies, like parade freaks. I like the monstrosity of the transformations, the mutations; their shapes are terrifying, enchanting, too. This metamorphosis is connected with the living, its plasticity, which is the very stuff of the drawing. I allow its yearning for animation to surface.
LC: These objects can also be imagined as a setting, a kind of jewelry box. They lend the drawings a precious look. Even if now some of them also set off studio “remainders.”
JT: It’s more in terms of the magic lantern that that is located, because it’s a trick… The glass pane, because of the distancing, heightens the degree of desirability. It’s a thing that points up, that creates empathy. Yet this artifice also harbors a risk the drawing must manage to avoid. Moreover, some of the depicted figures seem to glide under the surface as if they were only just passing through. They’ve played with the bubbles, done between the materials, between the background and the surface, before disappearing and leaving only a reflection. But the reflections are perhaps monstrosities that speak to us with every change of light, like Richard Brautigan’s 1974 novel The Hawkline Monster. A freakshow in the ordinary.
Extrait d’un entretien inédit entre Lætitia Chauvin et Julien Tiberi (2021).
Certains passages ont été remaniés et interprétés.
Certains passages ont été remaniés et interprétés.
Extract from Lætitia Chauvin’s unpublished interview with Julien Tiberi (2021).
Some passages have been reworked and treated as a kind of additional performance.
Translation : John O'Toole
Some passages have been reworked and treated as a kind of additional performance.
Translation : John O'Toole
Liste des œuvres :
List of works :
œuvres de la série :
Lantern Village, 2021
pâte de verre, graphite et pastel sur papier
37,5 x 31,5 x 6 cm
Les œuvres en verre ont été réalisées à l’atelier Gamil et produites avec le concours de la galerie Sémiose.
Lantern Village, 2021
pâte de verre, graphite et pastel sur papier
37,5 x 31,5 x 6 cm
Les œuvres en verre ont été réalisées à l’atelier Gamil et produites avec le concours de la galerie Sémiose.
works from the series :
Lantern Village, 2021
molten glass, lead pencil and pastel on paper
37,5 x 31,5 x 6 cm
The glass pieces were produced at Atelier Gamil and with the support of the gallery Semiose.
Lantern Village, 2021
molten glass, lead pencil and pastel on paper
37,5 x 31,5 x 6 cm
The glass pieces were produced at Atelier Gamil and with the support of the gallery Semiose.

Le Village Lanterne (Glass series) - salle 2, 2021
Affiche
Julien Tiberi (né en 1979 à Marseille), vit et travaille à Paris.
Les oeuvres de Julien Tiberi ont fait l’objet d’expositions à la Tôlerie, Clermont- Ferrand (FR), à Parasol Unit Foundation for Contemporary Art, Londres (UK), au Center for Contemporary Art FUTURA, Prague (CZ), au National Museum of Contemporary Art, Bucharest (RO), au FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR), à la Villa du Parc, Annemasse (FR) et au Palais de Tokyo, Paris (FR). Ses oeuvres font partie des collections du Centre National des Arts Plastiques (CNAP), Paris (FR), du FRAC Champagne-Ardenne, Reims (FR), du FRAC Corse, Corte (FR), du FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR) et du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille (FR). Il est représenté par la galerie Sémiose à Paris
Les oeuvres de Julien Tiberi ont fait l’objet d’expositions à la Tôlerie, Clermont- Ferrand (FR), à Parasol Unit Foundation for Contemporary Art, Londres (UK), au Center for Contemporary Art FUTURA, Prague (CZ), au National Museum of Contemporary Art, Bucharest (RO), au FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR), à la Villa du Parc, Annemasse (FR) et au Palais de Tokyo, Paris (FR). Ses oeuvres font partie des collections du Centre National des Arts Plastiques (CNAP), Paris (FR), du FRAC Champagne-Ardenne, Reims (FR), du FRAC Corse, Corte (FR), du FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR) et du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille (FR). Il est représenté par la galerie Sémiose à Paris
Julien Tiberi (born in 1979 in Marseille), lives and works in Paris. Julien Tiberi's works have been the subject of exhibitions at la Tôlerie, Clermont-Ferrand (FR), at the Parasol Unit Foundation for Contemporary Art, London (UK), at the Center for Contemporary Art FUTURA, Prague (CZ), at National Museum of Contemporary Art, Bucharest (RO), at the FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR), at the Villa du Parc, Annemasse (FR) and at the Palais de Tokyo, Paris (FR). His works are part of the collections of the Center National des Arts Plastiques (CNAP), Paris (FR), FRAC Champagne-Ardenne, Reims (FR), FRAC Corse, Corte (FR), FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier (FR ) and FRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur, Marseille (FR). His work is reprensented by Semiose gallery in Paris
Les pièces en verre ont été produites à l'atelier Gamil à Saint-Mihiel (53)
Les pièces en verre ont été produites à l'atelier Gamil à Saint-Mihiel (53)
La Salle de bains reçoit le soutien du Ministère de la Culture DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.
Cette exposition reçoit l'aimable soutien de la galerie Sémiose
Cette exposition reçoit l'aimable soutien de la galerie Sémiose



