









Basse saison, Marine Peixoto, La Salle de bains, Lyon, du 23 avril au 28 mai 2022.
Photo : Jesús Alberto Benítez
Photo : Jesús Alberto Benítez
Basse saison
Les photographies réunies pour l’exposition Basse saison de Marine Peixoto ont été prises pour l’essentiel au cours de l’hiver 2020, alors que l’artiste séjournait à La Grande Motte, dans sa région natale. En présentant cet ensemble, elle fait un pas de côté dans le travail qui l’occupe en ce moment sous le titre De la force et pour lequel elle suit les entrainements sportifs d’un groupe de jeunes hommes dans le quartier de Bercy à Paris.
Sa proposition pour La Salle de bains se démarque aussi, en apparence, par l’aspect plus classique des photographies pour lesquelles l’artiste réalise elle-même les tirages, alors qu’elle a jusqu’à présent privilégié le livre d’artiste, dans sa forme modeste, pour publier ses images. L’organisation en planches renvoie néanmoins à la pratique du livre et à une approche plus conceptuelle par laquelle les photographies sont données à voir dans un système de relations les unes par rapport aux autres.
Aussi, la sobriété du mode de présentation, sa rigueur dans la répétition, l’usage du noir et blanc ou encore certaines prises de vues frontales, signalent l’héritage de la photographie objective, en même temps qu’elle rappelle la valeur documentaire que contient encore aujourd’hui l’image photographique par-delà la subjectivité qui la porte.
C’est précisément ce point d’équilibre où les images chargées d’affects sont rendues disponibles à leur réception et à leur appropriation que cherche Marine Peixoto. À ce titre, le sujet de Basse saison – une station balnéaire moderniste en hiver – présente un défi particulier, non seulement par son caractère éculé et la facilité avec laquelle il convie les sentiments escomptés – spleen ou frisson teinté d’un imaginaire de science-fiction – mais surtout pour les raisons très personnelles qui lient l’artiste à ce territoire. Elle a commencé à « documenter » cette région de Montpellier à la Camargue il y a une dizaine d’années, au moment où la pratique de la photographie s’est affirmée pour elle comme un moyen de se rapprocher des sujets les plus familiers et les plus banals – les fêtes de village, le quotidien de sa mère – par l’intermédiaire de l’appareil, et de « rendre simplement les choses plus claires, sans les qualifier, un moyen, dit-elle, de réévaluer son propre présent, l’endroit où l’on se trouve, faire apparaître une nouvelle version de ce qui nous entoure ». Un moyen aussi de « supporter » d’être là.
Si le thème de Basse saison était trop évident, Marine Peixoto a décidé de prendre en charge cette évidence en y plaçant des enjeux classiques de la photographie. Ainsi l’ensemble des images et leur articulation reposent-elles sur des questions de lumière, celle de l’hiver dans le Sud étant « plus flatteuse » et plus enveloppante que le soleil tapant de l’été. Aussi la ville nouvelle, dont l’architecture futuriste et les enseignes concourent à faire vivre une expérience d’ailleurs, redevient le décor de phénomènes atmosphériques ordinaires –brume, crépuscule. Certains stéréotypes, y compris dans des cadrages volontairement « touristiques », tentent alors de restituer une première saveur, comme la vue de ces chevaux blancs au bord de l’eau. La recherche de la beauté dans le déjà-vu est là quelque part et fait signe dans le reflet d’un miroir ou sur une devanture de salon de coiffure – « Re Belle ».
Si la pratique de la photographie est un processus de mise à distance pour Marine Peixoto, que ses images ne contiennent pas de narration ni ne se complaisent dans leur esthétique, elles nous retiennent là où elles ne sont pas neutres, à l’endroit, peut-être, où la photographie témoigne de sa pratique même comme moyen de « tenir là », d’être présente au monde. C’est ainsi que l’on pourrait voir la série de photographies nocturnes captant les vagues à l’instant où elles frappent la digue et que l’écume éclabousse. Un sujet classique s’il en est, qui rend l’exercice inconséquent tout en nécessitant une concentration certaine. « C’est comme faire du ball-trap » commente Marine Peixoto, avant de lâcher, « et puis à certains moments, c’est bien de s’éloigner de tout ça ».
The photographs brought together for Marine Peixoto’s exhibition Basse saison (Off Season) were shot for the most part over the winter of 2020 when the artist was in La Grande-Motte, a resort town in her native region of Occitanie. By exhibiting this group of photos, Peixoto has briefly stepped away from the work currently occupying her, which is provisionally called De la force (On Power). In it she has been observing the athletic training of a group of young men in the Bercy neighborhood of Paris.
The work the artist has done for La Salle de bains also stands apart, at least at first glance, for the more classic look of the photos (the artist has also done the prints herself). Until now Peixoto has preferred the artist’s book and its smaller formats for publishing her images. The layout featuring plates nevertheless points us to books and the practice of making them, and to a more conceptual approach by which the photographs are displayed in a system of interrelated pieces
The spareness in the way the photos are presented, the rigor of the repetition, the use of black and white, even certain straight-on shots – all of this evinces the tradition of objective photography while also recalling the documentary value that still attaches to the photographic image today, beyond the subjectivity that characterizes the medium as well.
The artist is intent, moreover, on finding that balance where images filled with emotion are made available to their reception and appropriation. In this regard, the subject of Basse saison (a modernist seaside resort in winter) presents a particular challenge, not only because of its threadbare conventionality and the ease with which it summons the usual emotions – melancholy or thrill suffused with the uncanny memory of science fiction imagery – but also for highly personal reasons that connect the artist with the place. She began “documenting” this region of Southern France stretching from Montpellier to the Camargue some ten years ago, when photography became for her a way of drawing closer to the most familiar and most banal of subjects – village fairs or her mother’s day-to-day existence – through the camera and its lens. Photography was also a way “to simply make things clearer, without characterizing them, a way,” she says, “of reevaluating your own present, that place where you find yourself, [and] conjure up a new version of what is all around us.” A way as well “to put up with” being here.
If the theme of Basse saison was too evident, Peixoto decided to embrace this obviousness by incorporating the classic concerns of photography. The images as a whole, then, and their articulation rest on questions of light, that of the winter in Southern France being “more flattering” and more enveloping than the blazing sun of summer. Thus the new town, whose futurist architecture and shop signs help to stir up an odd experience of being elsewhere, becomes once again the setting of ordinary phenomena of the weather and atmosphere – mist and dusk. Certain stereotypes, including her deliberately “touristy” compositions, try to reproduce an initial flavor, like the view of those white horses by the water. The search for beauty in the déjà vu is in there somewhere and motions to us in the reflection in a mirror or on the front window of a hair salon called “Re Belle.”
While the practice of photography is a process of distancing for Peixoto, her images neither contain a narrative nor take pleasure in their esthetic; rather they hold our attention where they are not neutral, the place perhaps where photography bears witness to its very practice as a way of “being there,” of being present in the world. This is how we might view the series of night photographs that capture waves just as they strike the sea wall and sea spray bursts into the air. Classic subject if ever there was, which renders the exercise a thoughtless one, yet one requiring real concentration. “It’s like skeet shooting,” Peixoto remarks, before letting drop, “And then at certain times, it’s good to get away from all that.”
translation : John O'Toole
Liste des œuvres :
List of works :
Œuvres de la série Basse saison, 2015-2022
Photographies sur carton bois sous plexiglass
Tirages analogiques sur papier baryté
Formats variables
Les tirages de l’exposition ont été réalisés par l’artiste avec l’aide de Jean-Pascal Laux.
Works from the serie Basse saison, 2015-2022
Photographs on wood pulp board behind Plexiglas
Analog prints on baryta paper
Various formats
The prints seen in the show were done by the artist with the assistance of Jean-Pascal Laux.

Formée à la Hear- Strasbourg, Marine Peixoto (1984, FR) vit et travaille maintenant à Paris.
Elle a réalisé ces dernières années des expositions monographiques à Glassbox, Paris (Paëlla Géante, 2018 et Glassbox Sud, Montpellier, Toast à l'été 2019, 2019 et pris part à des expositions collectives dont Futur, ancien, fugitif au Palais de Tokyo en 2019.
Marine Peixoto est Lauréate 2021 du Prix LE BAL /ADAGP de la jeune création avec son projet De la force.
Le Bal - prix de la jeune création
A graduate of Hear-Strasbourg, Marine Peixoto (1984, FR) now lives and works in Paris.
Over the past few years, she has had solo shows at Glassbox, Paris (Paëlla Géante, 2018) and Glassbox Sud, Montpellier (Toast à l’été 2019), and taken part in a number of group exhibitions, including Futur, ancien, fugitif at Palais de Tokyo in 2019.
Marine Peixoto is the winner of the 2021 Prix LE BAL /ADAGP for young artists, with her project De la force.
Le Bal - prix de la jeune création
Lancement du livre de l'exposition mercredi 25 mai à 18h
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.


