








Linus Bill + Adrien Horni, Linus Bill + Adrien Horni, salle 3, la Salle de bains, Lyon du 26 juin au 20 juillet 2018. Photos : Jules Roeser
Linus Bill + Adrien Horni, Linus Bill + Adrien Horni, salle 3, la Salle de bains, Lyon from 26 June to 20 July 2018. Photos : Jules Roeser
Linus Bill + Adrien Horni - salle 3
Du 26 juin au 20 juillet 2018From 26 June to 20 July 2018
Dans les salles précédentes, le temps et l’espace étaient comprimés et distendus. La première s’installait entre deux expositions (à Paris et à Bienne) tout en en proposant l’accélération, la copie. La deuxième salle insérait l’exposition dans une autre, et déplaçait le public qui subissait alors une forme de décompression de l’espace de la Salle de bains. Après ces transports, la salle 3 se situe très précisément là, plus de regard vers l’extérieur, plus de déplacement temporel : seuls une sculpture et un tableau sont présentés.
L’une et l’autre, Sculptures, p.15, 2018 et Gemälde, p.25, 2016, sont issus de collages et dessins réalisés depuis 2012 et édités dans Sculptures (Bronze Age Editions, Londres, 2012) et Gemälde 2013-2017 (Galerie Allen, Paris, 2015). Ici encore Linus Bill + Adrien Horni travaille en considérant ces ouvrages en tant que catalogues, c’est à dire documentation d’œuvres réalisées, mais aussi comme matrice de celles à venir. L’ouvrage paru en 2015 et intitulé Gemälde 2013-2017, est en cela un énoncé de travail. De même les titres des œuvres les indexent à la page de l’ouvrage dont elles proviennent. Elles ne seraient que la modélisation réaliste d’une reproduction (il est déjà complexe de penser que l’image d’un objet lui est première, et que c’est finalement l’image qui l’informe). Sculptures, p.15 est ainsi une sculpture monumentale dont la texture est réalisée d’après le grain d’une photocopie.
Ces deux œuvres sont sans doute les moins abstraites dans le corpus de Linus Bill + Adrien Horni. Sculptures, p.15 prend l’allure d’une sculpture anthropomorphe et presque en mouvement dans l’espace, reprenant les codes de l’art moderne et des formes proches de celles de Henry Moore ou Jean Arp qui composent aujourd’hui une partie négligée voire déclassée de l’héritage moderne en ce qu’elle aurait produit le cliché d’une modernité molle et un devenir monumental de parc urbain.
Gemälde, p.25, est plus trouble encore tant ce portrait regardant la caméra, possiblement celle d’un ordinateur, apparaît comme une figure contemporaine ; elle renvoie à notre regard face aux images, comme devant chatroulette, le regard distant et le corps avachi dans un fauteuil. C’est là encore une figure de la mollesse, alors même que le traitement que Linus Bill + Adrien Horni lui fait subir est celui des portraits de célébrités d’Andy Warhol, soit une sérigraphie en noir sur un fond coloré, tandis que ces aplats de couleur géométriques laissent penser à une modernité vernaculaire post Max Bill.
Là où Linus Bill + Adrien Horni nous proposait des déplacements dans les salles précédentes, nous sommes toujours pris dans ces jeux de citations, mais maintenant face à des œuvres trop grandes, trop volumineuses pour l’espace dans lequel elles sont présentées. Face à ce « corps » et ce regard qui viennent ici clore et cerner l’exposition, nous sommes cette fois au plus proche de leur matérialité et de leur texture, nous obligeant à une présence immédiate qui se passe d’un hors-champ (le miroir étant lui-même occulté par l’image d’un regard).
L’étrangeté qu’aura produite cette exposition est celle-ci : des œuvres qui se présentent avec l’autorité du tableau et de la statuaire mais instituant des rapports différant le temps et l’espace. Elles nous sont pourtant très familières dans la pauvreté de leur origine matérielle et leurs référents communs, en somme des œuvres après la modernité et sa copie. Il s’agit d’un monde où la texture des images, même numériques, deviendrait celle du réel.
On pourrait faire plus simple pour faire de la peinture. Ici, il n’est plus question de peinture ou de sculpture mais plus certainement de réaliser des images, des tableaux et des statues possibles. Cela en prenant en compte leur versatilité contemporaine et en y puisant toute l’étrangeté que nos images recèlent encore quand nous les mettons dans des circulations complexes, qu’elles passent du Lo-Fi à la Hi-Fi, de la culture skate à la culture savante, du simulacre, de la représentation, au réel. Comment laisser les objets en devenir quand bien même seraient-ils déjà des images.
L’une et l’autre, Sculptures, p.15, 2018 et Gemälde, p.25, 2016, sont issus de collages et dessins réalisés depuis 2012 et édités dans Sculptures (Bronze Age Editions, Londres, 2012) et Gemälde 2013-2017 (Galerie Allen, Paris, 2015). Ici encore Linus Bill + Adrien Horni travaille en considérant ces ouvrages en tant que catalogues, c’est à dire documentation d’œuvres réalisées, mais aussi comme matrice de celles à venir. L’ouvrage paru en 2015 et intitulé Gemälde 2013-2017, est en cela un énoncé de travail. De même les titres des œuvres les indexent à la page de l’ouvrage dont elles proviennent. Elles ne seraient que la modélisation réaliste d’une reproduction (il est déjà complexe de penser que l’image d’un objet lui est première, et que c’est finalement l’image qui l’informe). Sculptures, p.15 est ainsi une sculpture monumentale dont la texture est réalisée d’après le grain d’une photocopie.
Ces deux œuvres sont sans doute les moins abstraites dans le corpus de Linus Bill + Adrien Horni. Sculptures, p.15 prend l’allure d’une sculpture anthropomorphe et presque en mouvement dans l’espace, reprenant les codes de l’art moderne et des formes proches de celles de Henry Moore ou Jean Arp qui composent aujourd’hui une partie négligée voire déclassée de l’héritage moderne en ce qu’elle aurait produit le cliché d’une modernité molle et un devenir monumental de parc urbain.
Gemälde, p.25, est plus trouble encore tant ce portrait regardant la caméra, possiblement celle d’un ordinateur, apparaît comme une figure contemporaine ; elle renvoie à notre regard face aux images, comme devant chatroulette, le regard distant et le corps avachi dans un fauteuil. C’est là encore une figure de la mollesse, alors même que le traitement que Linus Bill + Adrien Horni lui fait subir est celui des portraits de célébrités d’Andy Warhol, soit une sérigraphie en noir sur un fond coloré, tandis que ces aplats de couleur géométriques laissent penser à une modernité vernaculaire post Max Bill.
Là où Linus Bill + Adrien Horni nous proposait des déplacements dans les salles précédentes, nous sommes toujours pris dans ces jeux de citations, mais maintenant face à des œuvres trop grandes, trop volumineuses pour l’espace dans lequel elles sont présentées. Face à ce « corps » et ce regard qui viennent ici clore et cerner l’exposition, nous sommes cette fois au plus proche de leur matérialité et de leur texture, nous obligeant à une présence immédiate qui se passe d’un hors-champ (le miroir étant lui-même occulté par l’image d’un regard).
L’étrangeté qu’aura produite cette exposition est celle-ci : des œuvres qui se présentent avec l’autorité du tableau et de la statuaire mais instituant des rapports différant le temps et l’espace. Elles nous sont pourtant très familières dans la pauvreté de leur origine matérielle et leurs référents communs, en somme des œuvres après la modernité et sa copie. Il s’agit d’un monde où la texture des images, même numériques, deviendrait celle du réel.
On pourrait faire plus simple pour faire de la peinture. Ici, il n’est plus question de peinture ou de sculpture mais plus certainement de réaliser des images, des tableaux et des statues possibles. Cela en prenant en compte leur versatilité contemporaine et en y puisant toute l’étrangeté que nos images recèlent encore quand nous les mettons dans des circulations complexes, qu’elles passent du Lo-Fi à la Hi-Fi, de la culture skate à la culture savante, du simulacre, de la représentation, au réel. Comment laisser les objets en devenir quand bien même seraient-ils déjà des images.
In the preceding rooms, time and space were compressed and distended. The first one took place between two exhibitions (in Paris and Bienne), proposing its acceleration copying it. The second room inserted the first exhibition into another, and physically displaced the audience, resulting in a form of decompression of the Salle de bains. After this series of movements, room 3 finds itself presented precisely here. The regard towards the exterior is gone, as are the temporal displacements: only a sculpture and a painting are present.
Both Sculptures, p.15, 2018 and Gemälde, p.25, 2016, are derived from collages and drawings made since 2012 and published in Sculptures (Bronze Age Editions, London, 2012) and Gemälde 2013-2017 (Galerie Allen, Paris, 2015). Here again Linus Bill + Adrien Horni works by considering these sets of works as catalogues, that is to say as the documentation of finished works, but also as a matrix for those to come. The book Gemälde 2013-2017, published in 2015, is thus a statement of work. In the same way the titles of the works index the works on the page of the book from which they originate. These works will only be the realistic models of a reproduction (it is already complex to think that the image of an object comes before the object, and that in fact it is the image that informs the object). Sculptures, p.15 is thus a monumental sculpture whose texture is modeled after the grain of a photocopy.
These two works are undoubtedly the least abstract in the corpus of Linus Bill + Adrien Horni. Sculptures, p.15 takes the form of an anthropomorphic sculpture that can almost be said to be in movement within the space, taking up the codes of modern art and shapes close to those of Henry Moore or Jean Arp, which today make up a neglected, even downgraded part of the heritage of modernism due to their role in the production of the cliché of limp modernity and its future as monuments in urban parks.
Gemälde, p.25, is even more troubling as this portrait looking at a camera, possibly that of a computer, appears as a contemporary figure; it refers to our gaze in the face of images, like in a chatroulette, the gaze distant and the body slumped in a chair. Here again we are presented with a figure of limpness, even as Linus Bill + Adrien Horni, with the use of black silkscreens on a colored background, have forced the same treatment upon the figure as the portraits of celebrities by Andy Warhol, while solid, colored geometric forms leave one thinking of a post Max Bill vernacular modernity.
There where Linus Bill + Adrien Horni proposed a displacement in the rooms that came before, we are still caught in a game of citations, but this time in the face of works that are too large, too voluminous for the space in which they are presented. Faced with this “body” and the gaze that comes here to close and define the exhibition, we are each time closer to their materiality and to their texture, requiring an immediate presence coming from outside the frame (the mirror itself concealed by the image of the gaze).
The strangeness that this production will have produced is this: works that present themselves with the authority of painting and statue, but that establish rapports that defer time and space. They are however quite familiar to us in the poverty of their original materials and their common references; in sum, works made in the image of modernity and its copy. It is a world where the texture of images, even digital ones, becomes that of reality.
There are simpler ways to make a painting. Here, the question is no longer that of painting or of sculpture, but that of creating possible images, paintings and sculptures, while taking into account their contemporary versatility and drawing together all of the strangeness that our images still hold when they are placed in complex circulations, when they pass from Lo-Fi to Hi-Fi, from skate culture to academic culture, from simulacra, from representation, to reality: how to leave objects as objects in becoming, even if they were already images.
translation: John O'Toole
Both Sculptures, p.15, 2018 and Gemälde, p.25, 2016, are derived from collages and drawings made since 2012 and published in Sculptures (Bronze Age Editions, London, 2012) and Gemälde 2013-2017 (Galerie Allen, Paris, 2015). Here again Linus Bill + Adrien Horni works by considering these sets of works as catalogues, that is to say as the documentation of finished works, but also as a matrix for those to come. The book Gemälde 2013-2017, published in 2015, is thus a statement of work. In the same way the titles of the works index the works on the page of the book from which they originate. These works will only be the realistic models of a reproduction (it is already complex to think that the image of an object comes before the object, and that in fact it is the image that informs the object). Sculptures, p.15 is thus a monumental sculpture whose texture is modeled after the grain of a photocopy.
These two works are undoubtedly the least abstract in the corpus of Linus Bill + Adrien Horni. Sculptures, p.15 takes the form of an anthropomorphic sculpture that can almost be said to be in movement within the space, taking up the codes of modern art and shapes close to those of Henry Moore or Jean Arp, which today make up a neglected, even downgraded part of the heritage of modernism due to their role in the production of the cliché of limp modernity and its future as monuments in urban parks.
Gemälde, p.25, is even more troubling as this portrait looking at a camera, possibly that of a computer, appears as a contemporary figure; it refers to our gaze in the face of images, like in a chatroulette, the gaze distant and the body slumped in a chair. Here again we are presented with a figure of limpness, even as Linus Bill + Adrien Horni, with the use of black silkscreens on a colored background, have forced the same treatment upon the figure as the portraits of celebrities by Andy Warhol, while solid, colored geometric forms leave one thinking of a post Max Bill vernacular modernity.
There where Linus Bill + Adrien Horni proposed a displacement in the rooms that came before, we are still caught in a game of citations, but this time in the face of works that are too large, too voluminous for the space in which they are presented. Faced with this “body” and the gaze that comes here to close and define the exhibition, we are each time closer to their materiality and to their texture, requiring an immediate presence coming from outside the frame (the mirror itself concealed by the image of the gaze).
The strangeness that this production will have produced is this: works that present themselves with the authority of painting and statue, but that establish rapports that defer time and space. They are however quite familiar to us in the poverty of their original materials and their common references; in sum, works made in the image of modernity and its copy. It is a world where the texture of images, even digital ones, becomes that of reality.
There are simpler ways to make a painting. Here, the question is no longer that of painting or of sculpture, but that of creating possible images, paintings and sculptures, while taking into account their contemporary versatility and drawing together all of the strangeness that our images still hold when they are placed in complex circulations, when they pass from Lo-Fi to Hi-Fi, from skate culture to academic culture, from simulacra, from representation, to reality: how to leave objects as objects in becoming, even if they were already images.
translation: John O'Toole
Liste des œuvres :
List of works :
Sculptures, p.15, 2018
ureol et acier
280x185×95cm
Courtesy des artistes, Galerie Allen, Paris et Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam.
Gemälde, p.25, 2016
acrylique et sérigraphie sur toile
240×170cm
Courtesy des artistes, Galerie Allen, Paris et Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam.
ureol et acier
280x185×95cm
Courtesy des artistes, Galerie Allen, Paris et Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam.
Gemälde, p.25, 2016
acrylique et sérigraphie sur toile
240×170cm
Courtesy des artistes, Galerie Allen, Paris et Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam.
Sculptures, p.15, 2018
ureol and steel
280x185×95cm
Courtesy of the artists, Galerie Allen, Paris and Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam
Gemälde, p.25, 2016
acrylic and silkscreen on canvas
240×170cm
Courtesy of the artists, Galerie Allen, Paris and Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam
ureol and steel
280x185×95cm
Courtesy of the artists, Galerie Allen, Paris and Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam
Gemälde, p.25, 2016
acrylic and silkscreen on canvas
240×170cm
Courtesy of the artists, Galerie Allen, Paris and Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam

Linus Bill + Adrien Horni - salle 3, 2018
Affiche - Graphisme : Intercouleur
Linus Bill (1982) et Adrien Horni (1982) vivent et travaillent à Bienne, Suisse. Après des études de photographie pour le premier et en arts visuels pour le second, ils commencent à travailler sous le nom Linus Bill + Adrien Horni en 2011. Réalisant livres et catalogues d’images en duo, ils vont rapidement en déployer des ensembles d’œuvres qui en sont issues. Poursuivant un jeu dialectique de plus en plus complexe entre l’original et sa reproduction dans des formes foisonnantes, leur travail a fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives notamment au centre d’art Passerelle (Brest) ou dans les galeries Ellen de Bruijne Projects (Amsterdam) et Allen (Paris).
Linus Bill (1982) and Adrien Horni (1982) live and work in Bienne, Switzerland. After studying photography and visual art, respectively, they begin working under the name of Linus Bill + Adrien Horni in 2011. Creating books and catalogues of images as a duo, they will rapidly deploy sets of works from them. Pursuing an increasingly complex dialectical game between the original and its reproduction in an abundance of forms, their work has been the subject of numerous individual and collective exhibitions, notably at Passerelle art center (Brest) and in the galleries Ellen de Bruijne Projects (Amsterdam) and Allen (Paris).
La Salle de bains reçoit le soutien du Ministère de la Culture DRAC Auvergne-Rhône-Alpes,
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.


