










Photo: Jesús Alberto Benítez
Photo: Jesús Alberto Benítez
Getafix - salle 2
Qui aurait imaginé que l’apparition même des œuvres d’art serait tributaire de la circulation d’un virus? Alors ouvrir une exposition à la date prévue, c’est déjà une victoire, surtout quand cette date est calquée sur le mouvement des astres. C’est le jour de l’équinoxe de printemps qu’a choisi Sophie Nys pour inaugurer la salle 2 de son exposition à la Salle de bains. Dans une année ordinaire, elle apporte un vent de renouveau qui nettoie les chakras et réveille les forces vitales pendant que la sève remonte le long des tiges et que les mortels en profitent pour faire du ménage. C’est ainsi que l’artiste envisage ce deuxième temps : un entracte, pour aérer la pièce, faire sortir les microbes et disperser les passions dont l’avait chargée la première partie de l’exposition.
Résumons l’épisode précédent : invitée à réaliser une exposition personnelle, Sophie Nys avait répondu en invitant à son tour deux artistes, Michael Van den Abeele et Gregory Polony. Cela respirait la camaraderie, un sentimentalisme plus ou moins feint, avec une sérieuse dose d’érotisme manifestée dès le titre, I love my friends for their weaknesses and you for all your holes. On y trouvait, entre autres, une peinture abstraite composée d’un cercle bleu, beaucoup trop grande pour le mur derrière le bureau (Michael Van den Abeele, Period, 2020), et contre le miroir, une sculpture évoquant de loin une machine célibataire et de près la nécessité de tuer le père (Gregory Polony, Deaddy I, 2021). Sophie Nys, quant à elle, avait contribué par deux éléments qui pouvaient passer inaperçus parmi les œuvres : un laurier planté à côté de l’entrée et une porte métallique menant à la réserve de la Salle de bains, soit deux bornes délimitant l’espace d’exposition et présageant d’un scenario futur.
Il y sera toujours question de faiblesses, d’amour et de vides mais aussi de leurs opposés – une cure de détox est toujours favorable au rééquilibrage des énergies contraires. Rappelons que l’artiste est particulièrement attentive aux signes versatiles, à la mutabilité des symboles et aux découvertes qui concourent à réorienter la lecture de l’histoire. C'est à la faveur de ses recherches au croisement de l’archéologie, de l’actualité politique ou de la culture populaire qu'elle finit par tomber sur un os. Dans cet espace dépouillé mais empli de molécules aux vertus antiseptiques, elle procède comme souvent par association d’idées, d’images et de gestes qui sont laissés libres à l’organisation du sens.
Il revient donc à chacun des regardeur·euse·s de reconstituer la scène de ce curieux rituel de purification à partir des indices présents sur les lieux : un squelette, un monochrome, une cocotte, deux bandes jaunes sur fond noir, une porte, un laurier. Il pourra ou non être utile de savoir que cette mâchoire datée du XIème ou XIIème siècle appartenait à une femme et que le point bleu visible entre les incisives contient du lapis-lazuli utilisé pour les enluminures alors que celles-ci étaient majoritairement attribuées à des anonymes masculins.
On pourrait ou non remarquer que ce monochrome – également rattaché à une tradition masculine – a été réalisé sur le mur avec du Viagra utilisé comme pigment par l’artiste et que le prix du gramme de la pilule contre l’impuissance est égal à celui de l’or qui était égal à celui du lapis-lazuli, aussi appelé « or bleu » au temps des empereurs babyloniens. Suivant la météo, certain·e·s feront ou non le lien entre cette peinture et le bleu du ciel, alors certain·e·s lecteurs.rices de Georges Bataille le feront ou non avec le roman en songeant ou non au sort de Dirty, Lazare et Xénie. En parlant de drogue, on pourrait ou non savoir que Getafix est le prénom du druide dans la version britannique des aventures du Gaulois Asterix.
On a connaissance ou non des couronnes de laurier dorées conservées au Musée Gallo-Romain de Lyon mais on connaît certainement l’activité du groupe de militants d’extrême droite nord-américain se faisant appeler les « proud boys » et qui ont pris pour uniforme les polos noirs et jaunes de la marque Fred Perry ornés de deux bandes et marqués d’une couronne de laurier. On les a aussi entendus revendiquer la création du monde moderne, prôner la violence et vénérer la femme au foyer...
S’il on est venu le jour du printemps, on aura ou non aperçu Jean-Pierre Grienay, jardinier-botaniste du parc de la Tête d’or, prendre soin du laurier noble – qui est une essence vulgaire – et tenter de le tailler en forme de couronne triomphale, ce qu’il aura réussi à faire ou non.
Mais dans tous les cas, les feuilles coupées seront mises à bouillir bien fort dans une cocotte dessinée par le designer Enzo Mari et appelée Mama.
To recapitulate the earlier iteration, invited to mount a solo show, Sophie Nys reacted by inviting in turn two other artists, Michael Van den Abeele and Gregory Polony. The results exuded a clear camaraderie and a more or less sham sentimentalism, along with a serious dose of eroticism starting with the title, I love my friends for their weaknesses and you for all your holes. The show featured a number of works, including an abstract painting comprising a blue circle, much too large for the wall behind the desk (Michael Van den Abeele, Period, 2020), and, pressed against the mirror, a sculpture suggesting from afar a bachelor machine and up close the need to kill one’s father (Gregory Polony, Deaddy I, 2021). As for Sophie, the artist contributed two elements that went overlooked among the featured works, a bay tree planted next to the entrance, and a metal door leading to the La Salle de bains stockroom, that is two boundaries delimiting the space and foretelling some future storyline.
It will always be a question of weaknesses, love, and voids, but also of their opposites – a detox is always favorable to a rebalancing of contrary energies. It bears remembering that the artist pays particular attention to versatile signs, the mutability of symbols, and the discoveries that redirect our reading of history which she encounters in the course of her research at the point where archeology and current political events or popular culture meet. In a space that is stripped down yet filled with molecules having an antiseptic power, she proceeds, often by associating ideas, images and gestures that are left free in the organization of meaning.
It is up to each viewer then to reconstruct the scene of this curious purification ritual from the clues that are present on site, that is, a skeleton, a monochrome, a pressure cooker, two yellow stripes on a black background, and laurel. It may be useful, or not, to know that this jaw bone dating from the 11th or 12th century belonged to a woman and the blue dot that is visible between the incisors contains lapis lazuli, which was used in illuminations that are attributed in the main to anonymous male artists.
One could point out, or not, that this monochrome – also linked to a male tradition – was done on the wall with Viagra, which the artist used like a pigment, and that the price per ounce of this anti-impotence drug is equal to that of gold, which is equal to that of lapis lazuli, also called blue gold in the age of Babylonian emperors. In keeping with the weather, some will make the connection, or not, between this painting and the blue of the heavens, while some readers of Georges Bataille will do so, or not, with a novel, thinking back, or not, to the fate of Dirty, Lazare, and Xénie. Speaking of drugs, it might be known, or not, that Getafix is the first name of the druid in the British version of the adventures of the Gaul Asterix.
People are aware, or not, of the gilded crowns of bay leaves in Lyon’s Musée Gallo-Romain but people certainly know about the activities of the group of the American far-right militants calling themselves the Proud Boys who have adopted as their uniform the black and yellow Fred Perry polo shirts sporting two stripes and a crown of bay leaves. People have also heard them calling for the creation of a modern world, extoling violence, and venerating women’s supposed place in the home…
If you drop by in the spring, you will see, or not, the gardener-botanist Jean-Pierre Grienay, from the La Tête d’or park, tending to a bay laurel (Laurus nobilis) – which is a common species despite the nobilis – and trying to clip and trim it into the shape of a victor’s crown, which he will succeed in doing, or not.
In any case, though, the cut leaves will be well boiled in a pressure cooker dreamed up by the designer Enzo Mari and called Mama.
translation: John O'Toole
Liste des œuvres :
List of works :
plante
dimensions variables
Niels (Belgisch rechts trekken), 2021
porte en métal peint
96,5x230x9 cm
Spring, 2021
sildenafil, gomme arabique
22x28,5cm
Getafix, 2021
laurier, eau, plaque électrique, cocotte
dimension variable
Maxila, 2021
image plastifiée, ruban adhésif
49,5x28 cm
Mandibula, 2021
image plastifiée, ruban adhésif
52x28,5 cm
plant
variable dimensions
Niels (Belgisch rechts trekken), 2021
painted door in metal
96,5x230x9 cm
Spring, 2021
sildenafil, gum arabic
22×28.5 cm
Getafix, 2021
bay leaves, water, electric plate, pressure cooker, cocotte
variable dimensions
Maxila, 2021
laminated image, adhesive tape
49.5×28 cm
Mandibula, 2021
laminated image, adhesive tape
52×28.5 cm

Ses dernières expositions personnelles regroupent notamment Family Nexus à KIOSK à Gand, Belgique (2019), Etui of the private individual à la Galerie Greta Meert, Bruxelles, Belgique (2019), Not a shoe à Guimaraes, Vienne, Autriche (2018), Sophie Nys à Archiv de Zurich, Suisse (2015), Ein Tisch ohne Brot ist ein Brett au CRAC Alsace, Altkirch (2015) ou encore Parque do Flamengo à La Loge, Bruxelles, Belgique (2012).
L’artiste est représentée par la Galerie Greta Meert, Bruxelles, Belgique.
Her recent solo shows include Family Nexus at KIOSK, Ghent, Belgium (2019); Etui of the private individual at Galerie Greta Meert, Brussels, Belgium (2019); Not a shoe at Guimaraes, Vienna, Austria (2018); Sophie Nys at Archiv, Zurich, Switzerland (2015); Ein Tisch ohne Brot ist ein Brett, CRAC Alsace, Altkirch, France (2015); and Parque do Flamengo at La Loge, Brussels, Belgium (2012).
The artist is represented by Galerie Greta Meert, Brussels, Belgium.
Ce projet a reçu le soutien de Flanders state of the art.



