









Photo: Jesús Alberto Benítez
Photo: Jesús Alberto Benítez
Basket case - salle 1 – Colporte
L'expression basket case, qui s'emploie au sujet d'une personne souffrant d'une anxiété handicapante ou pour signifier la très mauvaise santé économique d'un pays, trouve son origine dans un langage terriblement dénué de métaphore : c'est ainsi que l'armée américaine désigna ses soldats blessés sur le front de la Première Guerre mondiale par le mode de rapatriement auquel ils étaient voués.
Ce qui dans les sculptures de Cécile Bouffard évoque des sortes de cocons, ces formes emmaillotées rendues indéchiffrables par l'épaisseur des bandes qui les protègent – à moins qu'il ne s'agisse vraiment de faire disparaître quelque chose à l'intérieur – peuvent dans ce cas ranimer la mémoire de ces jeunes hommes-troncs évacués dans des paniers et restitués tels quels à la mère patrie.
Si l'artiste s'intéresse aux cas désespérés, aux invalides, dégénérés, fous, hors-normes, bizarres, c'est surtout pour la manière dont ces individus se meuvent à la lisière de la société avant que ne se mettent en place les politiques de santé publique fondées sur l'internement. Le traitement que leur réserve la société pré-moderne consiste davantage en la mise en orbite qu'à l'enfermement, à la transhumance, à demeurer des êtres de passage, ainsi de celleux embarqué.e.s sur la nef des fous, qui, selon Michel Foucault, les « condamne à une éternelle circulation, à une position irréductiblement liminaire » (Histoire de la Folie à l'Âge Classique, Paris, Gallimard, 1972, p. 25).
Aussi, le potentiel subversif qu'offre de se déplacer, bon an mal an, sur les seuils intéresse particulièrement l'artiste qui s'est aussi penché.e pour la première salle de son exposition sur la figure des colporteureuses. Ainsi certaines sculptures qui trouvent place – ou leurs aises, pour certaines – dans l'espace de la Salle de bains s'inspirent-elles du bâton de pèlerin ou de systèmes de portage plus ou moins homologués, d’harnachement qu’on invente sur le bas-côté, et que l’artiste répertorie dans une collection d’images allant des tableaux de Brueghel aux trouvailles le long des trottoirs en passant par des catalogues d'écomusées.
Au début du scénario, l'on pourra encore se demander de quelle manière va tourner cette situation en apparence assez paisible. Car les colporteureuses ont la réputation d'apporter avec leurs marchandises des maladies, des rumeurs ou le mauvais œil. Tout comme les mots peuvent faire fourcher la langue, les gestes et les formes sont à double sens et ces dernières se jouent des faux semblant jusque dans leur facture, qui, examinées de près dévoilent des excroissances suspectes.
The expression basket case, which is used colloquially to describe a person suffering from crippling anxiety or a very unhealthy economy of a country, is rooted in a language that was terribly concrete and devoid of metaphor. The term sprang up in the American Army to refer to its soldiers who had been gravely wounded (loss of all four limbs) at the front in World War I and the way they were fated to be brought home.
Cécile Bouffard’s sculptures may bring to mind sorts of cocoons, those swaddled shapes rendered indecipherable by the thick strips protecting them – unless it’s really about making something inside the forms vanish from sight. The sculptures’ wrapped shapes can stir up the memory of those young men-trunks who were evacuated in baskets and returned to their home country as they were, deprived of all four limbs.
If the artist focuses on the desperate cases, invalids, degenerates, the mad, the outsiders, the bizarre, he does so above all for the way these individuals moved on the fringes of society before public health policies based on the idea of confining them were put in place. The treatment that premodern society reserved for such individuals was more like placing them in orbit than internment or seasonal migration, to remain as people who are just passing through, like those loaded aboard the ship of fools, which, as Michel Foucault points out, “condemned [them] to an eternal circulation, an irreducibly liminal position” (Histoire de la Folie à l'Âge Classique, Paris, Gallimard, 1972, 25).
Thus, the subversive potential offered by moving along thresholds, year in year out, is especially interesting to the artist, who has also looked into the figure of the peddler for the exhibition in the first gallery. Certain pieces of sculpture then that are found in – or stretch out in for some – the exhibition space of La Salle de bains draw their inspiration from the pilgrim’s staff or systems of portage that are more or less associated, or of harnessing invented on the shoulder of the road. The artist puts these in a collection of images which run from the paintings of Brueghel to the catalogues of ecomuseums to those finds you happen to make along sidewalks.
At the start of the storyline, visitors might still wonder which way the situation, fairly peaceful in appearance, is going to break. For peddlers have a reputation of bringing, along with their wares, disease, rumors, or the evil eye. Just as words can twist the tongue and make it stumble, gestures and forms go two ways and have a double meaning, and the latter, the forms, play games with false appearances, down to their workmanship. Closely examined, those forms reveal suspicious outgrowths.
translation : John O'Toole
Liste des œuvres :
List of works :
bois, peinture acrylique, silicone, textile, métal
colportæ, 2022
bois, peinture acrylique, textile
...aie confiance..., 2022
bois, peinture acrylique, textile
wander on desire, 2022
bois, peinture acrylique, textile
beat the crap out of the truth, 2022
bois, peinture acrylique, textile, métal
Wood, acrylic, silicon, fabric, metal
colportæ, 2022
Wood, acrylic, fabric
...aie confiance..., 2022
Wood, acrylic, fabric
wander on desire, 2022
Wood, acrylic, fabric
beat the crap out of the truth, 2022
Wood, acrylic, silicon, fabric, metal

Cécile Bouffard (1987) vit et travaille à Paris. Son travail a récemment fait l'objet d'expositions monographiques à Rond-Point Projects, Marseille, à la galerie Guadalajara 90210, Mexico, et au Centre d'art contemporain Les Capucins, Embrun.
Très impliquée dans des projets collectifs Cécile Bouffard a co-fondé l'artist-run-space Pauline Perplexe à Arcueil, depuis 2020 elle co-édite la revue VNOUJE (collectif Fusion, avec Roxane Maillet et Clara Pacotte) et fait partie de La Gousse, collectif de cuisine lesbienne (avec Barberin Quintin et Roxane Maillet).
Cécile Bouffard (1987) lives and works in Paris.
Her work has recently been the subject of monographic exhibitions at Rond-Point Projects, Marseille, at the gallery Guadalajara 90210, Mexico, and at the Centre d'art contemporain Les Capucins, Embrun.
Very involved in collective projects, Cécile Bouffard co-founded the artist-run-space Pauline Perplexe in Arcueil, since 2020 she co-edits the magazine VNOUJE (collective Fusion, with Roxane Maillet and Clara Pacotte) and is part of La Gousse, a lesbian cooking collective (with Barberin Quintin and Roxane Maillet).
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.
Cette exposition s'inscrit dans le programme Résonance de la 16e Biennale d'art contemporain de Lyon.



