





John M Armleder, À rebours, la Salle de bains, Lyon du 13 janvier au 10 février 2018.
Photos : Jules Roeser
Photos : Jules Roeser
John M Armleder, À rebours, la Salle de bains, Lyon from 13th January to 10th February 2018.
Photos : Jules Roeser
Photos : Jules Roeser
à rebours - salle 3
Du 13 janvier au 10 février 2018From 13 January to 10 February 2018
Reprenons : la première salle de l’exposition à rebours s’ouvrait sur ce qui se présentait comme un décor. On y découvrait un papier-peint au motif de bulles ne relevant d’aucun style décoratif identifiable. Certains pouvaient y percevoir un amalgame insouciant de l’élégance anglaise des Arts and Craft avec de possibles inspirations de la bande-dessinée belge trouvées du côté de l’abstraction américaine hard-edge. Le papier-peint recevait deux sculptures ready-made de glaces à l’italienne. La manière dont elles étaient accrochées mimait une enfilade de flambeaux en donnant à l’ensemble un air médiéval. Toutefois l’implacabilité avec laquelle elles se trouvaient là, et l’inconsistance du geste de les présenter comme telles, résistaient aux interprétations que pouvait induire un titre emprunté à la littérature romantique, ou encore, l’évidence du motif pop qui leur fut tantôt reproché. Par ailleurs, il fut remarqué que les deux cônes supportaient une sorte d’allégorie de peinture sous forme liquéfiée et torsadée – ce qui définit bien le rapport qu’entretient cette version touristique à la gelato italienne...
La deuxième salle se définissait selon ces mêmes étant-donnés : le papier peint à bulles, les glaces à l’italienne, le titre à rebours. Aussi pouvait-on reprendre mot pour mot les propos qui précèdent ; ce qui fut fait. Pourtant, tout y était radicalement différent, tant pour l’ambiance que pour des raisons de sculpture, et cela en conséquence d’un geste à la fois généreux et sans originalité – ce qui, dans la vie, a toujours du succès – consistant à fleurir l’espace d’exposition dans une amplitude telle qu’il n’était presque plus possible d’y entrer. Fatalement, le spectacle ravissant de ce parterre de cyclamens, fougères et chrysanthèmes luxuriants recouvrait l’équivocité de ce signe de célébration convoqué dans un entre-temps, en retard sur l’inauguration et en avance sur toute forme de commémoration.
In fine, l’entrée en scène de la peinture, entre les deux glaces, intervient-elle comme un dénouement, alors même qu’elle restaure une formule si bien connue que l’on pouvait s’attendre à retomber ainsi sur une Furniture Sculpture de John M Armleder. Fidèle au principe qui veut que la peinture trouve sa source dans le décor pour se destiner au décor – et s’y fondre, dans un juste retour des choses –, celle-ci accomplit singulièrement l’union de deux registres qui s’illustrent dans tout l’œuvre peint de l’artiste, soit les peintures de pois et les peintures de coulures. Aussi, cette suggestion de présentation atteste d’une certaine constance dans l’œuvre, au point que des propos tenus en 1987 pourraient valoir ici.
Commentant l’abandon d’une posture anti-formaliste tenue jusqu’à la fin des années 1970, l’artiste songeait à 38 ans : « La vie fait que je vieillis et que je tombe dans le panneau de l’exposition de l’œuvre d’art, selon les critères traditionnels, avec un malin plaisir(1)», précisant qu’« il s’agit tout de même d’un formalisme chargé de l’ambiguïté du décalage, servi d’une main un peu innocente et caressé de l’autre un peu perverse(1)». Nul doute que la reprise sur scène d’events Fluxus et dada à la veille de l’ouverture de ce dernier chapitre de l’exposition(2) est un signe de jouvence retrouvée !
La deuxième salle se définissait selon ces mêmes étant-donnés : le papier peint à bulles, les glaces à l’italienne, le titre à rebours. Aussi pouvait-on reprendre mot pour mot les propos qui précèdent ; ce qui fut fait. Pourtant, tout y était radicalement différent, tant pour l’ambiance que pour des raisons de sculpture, et cela en conséquence d’un geste à la fois généreux et sans originalité – ce qui, dans la vie, a toujours du succès – consistant à fleurir l’espace d’exposition dans une amplitude telle qu’il n’était presque plus possible d’y entrer. Fatalement, le spectacle ravissant de ce parterre de cyclamens, fougères et chrysanthèmes luxuriants recouvrait l’équivocité de ce signe de célébration convoqué dans un entre-temps, en retard sur l’inauguration et en avance sur toute forme de commémoration.
In fine, l’entrée en scène de la peinture, entre les deux glaces, intervient-elle comme un dénouement, alors même qu’elle restaure une formule si bien connue que l’on pouvait s’attendre à retomber ainsi sur une Furniture Sculpture de John M Armleder. Fidèle au principe qui veut que la peinture trouve sa source dans le décor pour se destiner au décor – et s’y fondre, dans un juste retour des choses –, celle-ci accomplit singulièrement l’union de deux registres qui s’illustrent dans tout l’œuvre peint de l’artiste, soit les peintures de pois et les peintures de coulures. Aussi, cette suggestion de présentation atteste d’une certaine constance dans l’œuvre, au point que des propos tenus en 1987 pourraient valoir ici.
Commentant l’abandon d’une posture anti-formaliste tenue jusqu’à la fin des années 1970, l’artiste songeait à 38 ans : « La vie fait que je vieillis et que je tombe dans le panneau de l’exposition de l’œuvre d’art, selon les critères traditionnels, avec un malin plaisir(1)», précisant qu’« il s’agit tout de même d’un formalisme chargé de l’ambiguïté du décalage, servi d’une main un peu innocente et caressé de l’autre un peu perverse(1)». Nul doute que la reprise sur scène d’events Fluxus et dada à la veille de l’ouverture de ce dernier chapitre de l’exposition(2) est un signe de jouvence retrouvée !
Let's start again: the first room of the exhibition à rebours opened with what appeared to be a décor. It featured a bubble-patterned wallpaper with no identifiable decorative style. Some might see in it a carefree amalgam of English Arts and Craft elegance with possible Belgian comic-book inspirations found in hard-edge American abstraction. The wallpaper held two ready-made sculptures of Italian-style mirrors. The way they were hung mimicked a string of torches, giving the whole a medieval air. However, the implacability with which it stoods there, and the inconsistency of the gesture of presenting them as such, resisted the interpretations that could be induced by a title borrowed from Romantic literature, or the obvious pop motif that was so often reproached to them. It was also noted that the two cones supported a kind of allegory of painting in liquefied, twisted form - a clear indication of the relationship between this tourist version and Italian gelato...
The second room was defined by the same given elements: bubble wallpaper, Italian-style mirrors and the title à rebours. It was therefore possible to repeat word for word what had been said above, and so we did. However, everything was radically different, both in terms of atmosphere and sculpture, as a result of a generous and yet unoriginal gesture - which, in life, is always successful - consisting in flowering the exhibition space to such an extent that it was almost impossible to enter. Inevitably, the enchanting spectacle of this luxuriant bed of cyclamen, ferns and chrysanthemums overshadowed the equivocality of this sign of celebration convened in the meantime, behind the inauguration and ahead of any form of commemoration.
In fine, the entry of the painting between the two mirrors acts as a denouement, even though it restores a formula so well known that we might have expected to fall back on a Furniture Sculpture by John M Armleder. Faithful to the principle that painting finds its source in decor, in order to be destined for decor - and to melt into it, in a just return of things - this one singularly accomplishes the union of two registers that are illustrated throughout the artist's painted work: polka dot paintings and drip paintings. This suggestion of presentation also testifies to a certain constancy in the artist's work, to the extent that comments made in 1987 could also apply here.
Commenting on the abandonment of an anti-formalist stance held until the late 1970s, the artist thought at the age of 38: "Life is making me grow old and I'm falling into the trap of exhibiting the work of art, according to traditional criteria, with malicious pleasure(1)", adding that "it's all about a formalism charged with the ambiguity of the shift, served with one hand a little innocent and caressed with the other a little perverse(1)". There's no doubt that the revival of Fluxus and Dada events on stage on the eve of the opening of this final chapter of the exhibition(2) is a sign of renewed youth!
The second room was defined by the same given elements: bubble wallpaper, Italian-style mirrors and the title à rebours. It was therefore possible to repeat word for word what had been said above, and so we did. However, everything was radically different, both in terms of atmosphere and sculpture, as a result of a generous and yet unoriginal gesture - which, in life, is always successful - consisting in flowering the exhibition space to such an extent that it was almost impossible to enter. Inevitably, the enchanting spectacle of this luxuriant bed of cyclamen, ferns and chrysanthemums overshadowed the equivocality of this sign of celebration convened in the meantime, behind the inauguration and ahead of any form of commemoration.
In fine, the entry of the painting between the two mirrors acts as a denouement, even though it restores a formula so well known that we might have expected to fall back on a Furniture Sculpture by John M Armleder. Faithful to the principle that painting finds its source in decor, in order to be destined for decor - and to melt into it, in a just return of things - this one singularly accomplishes the union of two registers that are illustrated throughout the artist's painted work: polka dot paintings and drip paintings. This suggestion of presentation also testifies to a certain constancy in the artist's work, to the extent that comments made in 1987 could also apply here.
Commenting on the abandonment of an anti-formalist stance held until the late 1970s, the artist thought at the age of 38: "Life is making me grow old and I'm falling into the trap of exhibiting the work of art, according to traditional criteria, with malicious pleasure(1)", adding that "it's all about a formalism charged with the ambiguity of the shift, served with one hand a little innocent and caressed with the other a little perverse(1)". There's no doubt that the revival of Fluxus and Dada events on stage on the eve of the opening of this final chapter of the exhibition(2) is a sign of renewed youth!
(1) Suzanne Pagé, « entretien avec John Armleder », in John Armleder, Dieter Schwarz (dir), Kunstmuseum Winterthur, 1987.
(2) Sr Uober, concert donné avec Jérôme Hentsch le 12 janvier 2018 au Marché Gare, Lyon.
(2) Sr Uober, concert donné avec Jérôme Hentsch le 12 janvier 2018 au Marché Gare, Lyon.
(1) Suzanne Pagé, « entretien avec John Armleder », in John Armleder, Dieter Schwarz (dir), Kunstmuseum Winterthur, 1987.
(2) Sr Uober, music concert featuring Jérôme Hentsch, 12 January 2018, Marché Gare, Lyon.
translation: John O'Toole
(2) Sr Uober, music concert featuring Jérôme Hentsch, 12 January 2018, Marché Gare, Lyon.
translation: John O'Toole
Liste des œuvres :
List of works :
à rebours 1, 2017
sérigraphies
dimensions variables
à rebours 2, 2017
cornets de glace publicitaire
130×40×56cm
à rebours 3, 2018
acrylique sur toile
115×160cm
sérigraphies
dimensions variables
à rebours 2, 2017
cornets de glace publicitaire
130×40×56cm
à rebours 3, 2018
acrylique sur toile
115×160cm
à rebours 1, 2017
silkscreen prints
variable dimensions
à rebours 2, 2017
advertising ice cream cones
130×40×56cm
à rebours 3, 2018
acrylic on canvas
115×160cm
silkscreen prints
variable dimensions
à rebours 2, 2017
advertising ice cream cones
130×40×56cm
à rebours 3, 2018
acrylic on canvas
115×160cm

à rebours - salle 3, 2018
Affiche
John M Armleder est né en 1948 à Genève où il vit et travaille. Il est l’une des figures les plus influentes d’une scène artistique suisse héritière désinvolte de l’abstraction géométrique. C’est en développant de manière visionnaire des notions majeures, qui préoccupent l’art contemporain aujourd’hui, que son œuvre présente un intérêt historique, au sujet de l’appropriation et du relativisme de la signature, de l’équivalence entre l’art et les autres productions matérielles, du devenir décoratif des avant-gardes ou de l’exposition comme moyen artistique. Son travail multiforme (peintures, sculptures, installations, performances, expositions) est largement diffusé en Europe et dans le monde où il participe à de nombreuses expositions et biennales et est représenté par de nombreuses galeries.
John M Armleder was born in Geneva in 1948, where he lives and works. He is one of the most influential figures on the Swiss art scene, which has inherited geometric abstraction. His work is of historical interest for its visionary development of major notions that preoccupy contemporary art today, such as the appropriation and relativism of the signature, the equivalence between art and other material productions, the decorative future of the avant-garde, and the exhibition as an artistic medium. His multi-faceted work (paintings, sculptures, installations, performances, exhibitions) is widely distributed in Europe and around the world, where he takes part in numerous exhibitions and biennials and is represented by numerous galleries.
La Salle de bains reçoit le soutien du Ministère de la Culture DRAC Auvergne-Rhône-Alpes,
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.
Ce projet a reçu le soutien de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture et s’inscrit en Focus du programme Résonance de la 14e Biennale de Lyon.
de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon.
Ce projet a reçu le soutien de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture et s’inscrit en Focus du programme Résonance de la 14e Biennale de Lyon.




